Emploi
Ouvrier, technicien ou cadre, le recrutement est de plus en plus tendu à tous les niveaux dans le secteur agricole. Que faire pour séduire et fidéliser les salariés ? Éléments de réponse avec l'Apecita et Sprint RH.
Dès le recrutement, il est recommandé d'offrir des perspectives d'évolution qui vont contribuer à fidéliser les salariés. D'autant plus qu'avec la raréfaction des profils, candidats ou salariés déjà en poste n'hésitent pas à aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs.
© Crédit photo : Getty Images - Dejan_Dundjerski
Toutes les filières agricoles rencontrent d'importantes difficultés de recrutement, sur les besoins saisonniers, mais aussi les postes de permanents. "Quand un exploitant vient nous trouver pour l'aider à recruter sur un CDI, cela fait bien souvent plus d'un an qu'il est en recherche", indique Sandra Torres, directrice de Sprint RH, cabinet de recrutement et de stratégie en ressources humaines, basé dans le Var. Il est à l'origine du groupement d'employeurs spécialisé AgriSud Emploi. "Et sur la partie saisonnière, ces trois dernières années, on a vu de plus en plus de viticulteurs ne recevant aucune candidature, ni pour les vendanges, ni pour l'ébourgeonnage", poursuit-elle. Alors que faire pour attirer les candidats ? Quelles sont leurs attentes ?
La rémunération reste un critère décisif dans le choix d'un poste. "Les employeurs en sont conscients. Même pour une saison de vendanges, les salaires sont généralement au-dessus du Smic. Et sur des postes techniques, les rémunérations peuvent être très confortables", observe Sandra Torres. "Il y a besoin d'une adéquation entre la rémunération et l'investissement en temps, en énergie et en responsabilité du salarié. C'est un signe de reconnaissance de ses qualités et de son engagement ", complète Élisa Ratinet, conseillère en ressources humaines de l'Apecita, association pour l'emploi des cadres, des ingénieurs et techniciens de l'agriculture. La paye n'est toutefois pas le seul facteur à considérer, loin de là. La qualité de vie au travail et la qualité de vie personnelle sont aussi à prendre en compte.
À ce titre, la question de la mobilité s'avère cruciale. "Malheureusement, en milieu rural, les possibilités de transport en commun sont limitées, et on va essayer de placer les candidats au plus près de chez eux. Quand on travaille à côté de chez soi, on perd moins de temps en déplacements, on est dans de meilleures dispositions le matin, et encore en forme pour rentrer à la maison après sa journée de travail. La mobilité implique aussi des frais financiers qu'il ne faut pas négliger. Si l'on vous propose un salaire légèrement au-dessus du Smic, mais que vous en avez pour 200 euros de trajets chaque mois, cela grève votre pouvoir d'achat", éclaire la responsable de Sprint RH.
La 'marque employeur' englobant l'identité et les pratiques de l'entreprise est aussi à réfléchir. "L'adéquation entre les valeurs de l'employeur et celles du salarié est importante", introduit Élisa Ratinet. "Les métiers agricoles sont souvent décriés, jugés pénibles. Pourtant, les filières agricoles portent des valeurs fortes. Elles ont des histoires d'hommes et de femmes à raconter, parfois sur plusieurs générations. On y travaille avec le vivant, l'écologie et l'innovation occupent une place particulière. On a vu, avec le Covid, une recrudescence de personnes aller vers l'agriculture, dans un premier temps parce qu'elles refusaient d'être vaccinées ou pour être au grand air, et qui se sont prises d'un véritable intérêt pour le milieu agricole, y trouvant du sens à ce qu'elles font ", développe Sandra Torres.
Côté pratique, les horaires décalés peuvent se révéler être un atout. "Certains aiment commencer tôt et finir tôt, pour consacrer du temps à leur vie de famille, aux loisirs ou à un complément d'activité. Alors, avoir la possibilité d'adapter les horaires, pour laisser le salarié aller chercher ses enfants à l'école, est une bonne chose", explique Sandra Torres. Dans le même esprit, la définition des missions lui semble essentielle. "Il ne faut pas hésiter à bien détailler les postes proposés, pour qu'il y ait une bonne entente sur ce qui est attendu et sécuriser le salarié, qui peut se sentir en difficulté sur telle ou telle tâche, et que l'on peut alors accompagner. Plus on échange, plus on crée un climat de confiance", souligne-t-elle.
Dès le recrutement, il est par ailleurs recommandé d'offrir des perspectives d'évolution qui vont contribuer à fidéliser les salariés.
D'autant plus qu'avec la raréfaction des profils, candidats ou salariés déjà en poste n'hésitent pas à aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. "Le turn-over est beaucoup plus important que par le passé. Un jeune qui entre actuellement en emploi va changer sept fois d'emploi en moyenne. Et on estime que ce sera 14 fois pour ceux qui naissent aujourd'hui. Il faut objectivement faire le deuil du salarié qui fait toute sa carrière au même endroit. Mais on peut faire en sorte de lui donner envie de rester, en étant à l'écoute de ses besoins, en lui permettant de les exprimer - notamment lors des entretiens individuels réglementaires -, en lui proposant de développer une expertise, de gagner en autonomie, d'évoluer dans ses fonctions et, dès que possible, en faisant évoluer sa rémunération, par une augmentation de salaire, une prime ou un jour de congé supplémentaire", conseille Élisa Ratinet. Avant de relever : "Cela vaut pour les grosses comme pour les petites structures, qui ont aussi des choses intéressantes à proposer : sur de la polyvalence, qui implique une montée en compétences, ou la prise de décision, qui est une forme de reconnaissance."
En clair, "il faut savoir se vendre en tant qu'employeur, communiquer sur ce que l'on fait et comment on le fait, en veillant à ce que le discours soit cohérent avec ce que l'on met en pratique. Il n'y a rien de pire que de vendre du rêve", résume Sandra Torres. "Travailler sa marque employeur permet aussi de mettre en avant des éléments différenciants, de se distinguer", ajoute Élisa Ratinet.
Pour faciliter les recrutements, l'anticipation apparaît comme un élément clé. "Bien sûr, il y a toujours des urgences suite à un abandon de poste ou à un arrêt de travail par exemple. Mais il y a des besoins qui se prévoient sur des projets à venir, des développements ou des activités saisonnières. Il est primordial pour l'employeur de prendre le temps d'identifier les compétences dont il va avoir besoin, de définir le profil vers lequel il souhaite s'orienter, de voir si il peut le trouver en interne ou pas", détaille Élisa Ratinet.
Anticiper, c'est aussi avoir du temps pour trouver la perle rare. Ou pour changer son fusil d'épaule. "On a accompagné récemment un employeur en arboriculture et grandes cultures qui cherchait un gérant, plutôt expérimenté, dans le cadre d'un départ progressif à la retraite. Mais on a surtout reçu des profils juniors. Dans ce cadre précis, l'anticipation a permis de nous adapter et de mettre en place un plan de montée en compétences, en interne, et de formations, en externe ", illustre Élisa Ratinet.
Cette expérience met aussi en évidence la nécessité d'élargir les recherches, aux jeunes les moins expérimentés comme aux salariés d'autres secteurs d'activité, aux compétences transférables à l'agriculture. "Il est judicieux de sortir du schéma qui consiste à chercher seulement des compétences techniques et de ne pas négliger le savoir-être, la personnalité, les expériences diverses et variées. Pour bien faire, il faut aussi élargir les endroits où l'on cherche, penser à travailler sa visibilité sur les forums et les salons, sur les réseaux sociaux, nouer des liens avec des écoles, recevoir des apprentis", précise la conseillère de l'Apecita.
Car la multiplication des canaux de diffusion des offres d'emploi est une chance de multiplier les candidatures. Et quand ces dernières arrivent, mieux vaut être réactif. "Aujourd'hui, avoir ne serait-ce qu'un profil qui coche toutes les cases, c'est rare, quand il y en a deux, c'est du luxe !", lance Élisa Ratinet. "Alors quand cela colle sur le papier, même si on attend d'en voir d'autres, il ne faut pas retarder la prise de contact. Montrer de l'intérêt au candidat lui donne confiance et crée déjà un lien avec l'entreprise. Il est alors plus à même d'entendre que l'employeur a besoin d'un temps de réflexion avant de se décider. De la même façon, on va lui préciser le délai de réponse, qui doit être raisonnable. Il faut d'ailleurs être très clair dès le départ sur le process de recrutement, pour que le candidat soit rassuré et puisse se projeter. C'est important de ne pas le laisser dans l'insécurité pour l'éventuelle relation à venir et pour laisser une bonne image, quoi qu'il advienne. L'humain est essentiel, dans le cadre d'un recrutement comme au quotidien dans le travail", recommande-t-elle.
On le voit bien, recruter réclame des compétences et beaucoup de disponibilités. "Cela demande de concevoir une offre attrayante et adaptée au marché, de la déposer sur les différents 'job boards' [plateforme d'emplois, ndlr], de la faire circuler, de traiter les candidatures, de recevoir et d'évaluer les candidats, de saisir les opportunités type job dating en amont des besoins... C'est du boulot et cela implique des moyens", confirme la dirigeante de Sprint RH.
Il y a tout ce qu'il conviendrait de faire dans l'idéal. Dans les faits, on constate une réelle fracture entre les employeurs qui mettent en place différentes actions en termes de marque employeur, de recrutement et de politique RH d'un côté et, de l'autre, ceux qui n'ont ni le temps, ni les ressources pour en faire autant", note Élisa Ratinet.
Se faire accompagner peut donc aider. "Les employeurs ont le choix de se faire accompagner de façon globale sur la stratégie et la ges- tion RH ou sur les points sur les- quels ils ne sentent pas à l'aise, ou auxquels ils n'ont pas de temps à consacrer. Cela peut aller de la définition des process à l'intégration du salarié, en passant par le sourcing des candidats ou l'entretien", précise Élisa Ratinet.
Avant de conclure : "Le mieux est d'avancer pas à pas, chacun avec ses spécificités, comme sur n'importe quel autre projet. On peut se tromper tant qu'on apprend de ses erreurs. On évolue sans cesse et on s'adapte. Nos métiers en RH évoluent aussi. On ne recrute pas aujourd'hui comme on le faisait il y a cinq ans ou comme on le fera dans cinq ans ."
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