Dépôts sauvages
C'est la surprise qu'ils n'attendaient pas. Marie-Hélène, Thierry Enrietto et Pierre Barbaro, tous trois viticulteurs, découvraient il y a trois semaines des dépôts de déchets amiantés sur leurs parcelles. Aujourd'hui, ils se démènent pour savoir que faire, mais restent sans réponse...
Plusieurs semaines après le dépôt dans les parcelles, rien n'a bougé, et les principaux concernés commencent à s'inquiéter, ne sachant trop ce qu'ils ont le droit de faire ou pas.
© Crédit photo : ML
Il fait nuit et il pleut. La nuit du vendredi 20 au samedi 21 octobre est parfaite pour se faufiler sans être vu dans les parcelles de Marie- Hélène et Thierry Enrietto, à Caromb, et de Pierre Barbaro, viticulteur à la retraite, à Carpentras. Si ce dernier se rend compte de l'ampleur des dégâts pendant le week-end, le couple Enrietto, dont l'habitation est à Modène, ne s'en aperçoit que le lundi matin. Le lendemain, tous décident de porter plainte. En cette nuit pluvieuse, des camions sont venus décharger plusieurs tonnes de plaques de fibrociment, et donc amiantées, sur leurs parcelles.
Depuis, rien n'a bougé. Chez les Enrietto, deux déchargements ont été effectués, "et pourtant, il fallait y aller pour monter là avec une telle charge", commente Thierry. Sur la parcelle en face de chez Pierre, où l'accès est plus simple, il faudrait au moins 3 bennes de 5 tonnes pour déblayer le tout, actuellement disposé sur 25 mètres le long des vignes.
La plainte a beau avoir été posée auprès de la gendarmerie, les mairies et la communauté d'agglomération Ventoux Comtat Venaissin prévenues, au 8 novembre, ils ne savent toujours pas quoi faire. "L'amiante, ce n'est pas des pots de fleurs ou de simples gravats. À la rigueur si on nous donne une benne, qui va l'amener ? Qui va s'occuper de déblayer ? Qui va payer ?", liste Thierry Enrietto, impuissant.
En effet, la déchetterie voisine - la Sedebi, à Caromb - ne prend pas les déchets d'amiante, comme beaucoup d'autres. Ses responsables ont indiqué aux agriculteurs que la semaine précédente, un appel avait été reçu pour savoir si l'amiante faisait partie des déchets acceptés. Mais impossible de tracer le numéro de téléphone puisqu'il n'a pas été enregistré.
Alors, les agriculteurs cherchent à trouver des appuis. Leurs caves coopératives, de Caromb-Mazan et de Bédoin, ont notamment été prévenues. La première a également porté plainte. Quant aux assurances, "tant que la personne responsable n'a pas été identifiée, ils nous ont dit qu'ils ne pouvaient rien faire", soupire Pierre Barbaro.
Plusieurs semaines après le dépôt dans les parcelles, rien n'a bougé, et les principaux concernés commencent à s'inquiéter. "Ici, on n'a pas l'eau de la ville, que ce soit les parcelles ou les habitations, tout le monde a des forages. Qu'est-ce qui va se passer pour la nappe en dessous, avec les plaques parfois broyées par endroits ? Et la pollution volatile avec le vent ?", s'interroge Pierre Barbaro. Sur le plan environnemental, la question reste entière, même s'il semble que l'amiante contenue dans des plaques de fibrociment ne se disperse pas aussi aisément que des déchets d'amiante libre.
Philippe Granger est voisin de la parcelle carpentrassienne. Sa présence prouve la volonté du voisinage de s'impliquer, d'autant plus que, dans cette zone, beaucoup de gîtes se sont fait une place : "Je pense que les élus ne se rendent pas compte que ça va avoir un impact plus large. Nous avons beaucoup de touristes dans le coin. Ça se voit les dépôts, les gens n'accepteront pas longtemps ce genre de pollution visuelle, en plus de tous les impacts déjà cités...".
Mais là est une autre question. Qui prend en charge ce type d'enlèvements ? Le transport étant particulièrement précautionneux et les centres de tri peu nombreux à accueillir les déchets amiantés, le coût monte très vite. "J'ai quelqu'un qui m'a annoncé 4 000 euros hors taxe pour une benne de 5 tonnes, mais il en faudra plusieurs. Et qu'en est-il pour les frais de tractopelle, si on doit s'en occuper nous-mêmes ?", s'inquiète le retraité.
À la recherche de réponses et de solutions, il avait rendez-vous avec Serge Andrieu, maire de Carpentras, mercredi 15 novembre. Du côté des Enrietto, une rencontre avec un adjoint à la mairie de Caromb est en attente de retours. "On récupère la patate chaude dont personne ne veut", constate amèrement Thierry.
Les victimes s'impatientent. Ils ne sont pas bien sûrs de ce qu'ils ont le droit de faire. "On pourrait peut-être mettre des combinaisons sulfatées et déplacer tout ça, en les remettant bien sur des palettes, histoire de pouvoir circuler ?", propose Pierre Barbaro.
"Même si l'amiante est un déchet plutôt stable tant qu'on n'y touche pas, on sait qu'il reste intrinsèquement dangereux. Nous préférons conseiller de ne pas aller manipuler les plaques", met toutefois en garde François-Marie Lettéron, responsable des affaires générales et de la coordination intercommunale de la CoVe. En attendant qu'une entreprise spécialisée vienne récupérer le tout, il est donc plutôt déconseillé de déplacer les Everite, considérées comme polluantes, qu'importe où elles se trouvent.
"D'un point de vue technique, quand un particulier se retrouve avec des dépôts de matériaux dangereux sur son terrain, le droit protège l'environnement et dit que le maire peut le sommer de faire le nécessaire pour les enlever, à ses frais. Je ne pense pas que ce soit la volonté des mairies", précise le responsable. Même si les propriétaires victimes ont la possibilité de se dédouaner, une plainte ayant bien été posée auprès de la gendarmerie, l'enlèvement d'amiante reste onéreux.
À force de recherches, il observe que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) peut apporter un soutien financier, mais qui s'adresse plutôt à des sites industriels. "Nous essayons de voir comment ce système pourrait être dupliqué dans le cas de particuliers impactés par la problématique de dépôts sauvages", affirme-t-il. François-Marie Lettéron s'est également enquis - auprès d'autres communautés de communes et d'agglomération - de l'existence de telles situations chez eux, pour savoir comment elles ont procédé.
"Étant donné que nous sommes identifiés comme la collectivité compétente pour l'enlèvement des déchets, il est normal que les particuliers se tournent vers nous. Le problème c'est, juridiquement, que nous pouvons nous occuper des déchets ménagers, mais pas industriels", reconnaît-il.
Pour le moment, toutes les demandes adressées par les uns comme par les autres à diverses entités restent toutefois sans réponses. Ne reste plus qu'à voir si Serge Andrieu et Valérie Michelier, respectivement maire de Carpentras et Caromb, auront la possibilité de faire bouger les choses, d'obtenir des subventions pour l'enlèvement, et continuer de lutter contre les fléaux des dépôts sauvages en zone rurale.
Le GDA Sud Luberon organise une collecte de films plastiques agricoles usagés à la SPLM Coudouret, en partenariat avec Adivalor, la Métropole Aix-Marseille-Provence et la Communauté territoriale Sud Luberon, du lundi 20 au vendredi 24 novembre 2023. Coût à la charge des apporteurs :
Les films doivent obligatoirement être séparés et le plus propre possible, exempts de matériaux indésirables tels que de la terre, des cailloux, de la ferraille... Des frais supplémentaires peuvent être facturés en cas de non-conformité, par exemple, diverses classes de films en mélange, lots contenant des matières indésirables, ou taux de souillure trop important.
Tous les autres plastiques - serres, petits tunnels, gaines souples d'irrigation - ne sont pas sujets à des facturations complémentaires, à partir du moment où le seuil d'enlèvement minimal de 1,5 t est atteint. Attention : les gaines souples d'irrigation doivent obligatoirement être séparées des films paillages et bien différenciées de celles ayant des goutteurs en silicone. Le P17 n'est pas collecté.
Avant chaque apport, un bon de dépôt est à retirer au GDA Sud Luberon ou à demander par mail à Anne-Marie Borel.
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