Riverains
Renouer le dialogue et expliquer le quotidien n'est finalement pas si difficile. C'est ce que montrent différentes expériences conduites dans plusieurs communes de la région.
Tensions et défiances des citoyens vis-à-vis du métier alimentent le quotidien des agriculteurs. Ils veulent néanmoins montrer qu'ils ne sont pas de si mauvais voisins.
© Crédit photo : ED
Entre agriculteurs et néoruraux, la coexistence n'est pas toujours simple. Ces dernières années, de nombreux incidents ont permis de mesurer le fossé existant entre le monde rural et les citadins. Si l'image de la profession agricole s'est dégradée par endroits, les conflits peuvent néanmoins être évités ou se résoudre la plupart du temps grâce au dialogue. Mais il n'est pas toujours facile de l'engager.
Certes, l'agriculture de circuit court participe à améliorer la compréhension de ce que font les agriculteurs sur le territoire, permettant, ici et là, de renforcer le lien avec les consommateurs. Les pratiques agricoles n'ont également cessé d'évoluer et d'être de plus en plus performantes d'un point de vue environnemental. Reste que les agriculteurs n'ont pas toujours réussi à communiquer avec leurs voisins.
Pour apaiser les tensions et répondre aux suspicions quelquefois très fortes dans certains territoires, quand un agriculteur travaille dans sa parcelle avec un tracteur et un pulvérisateur par exemple, la Draaf a souhaité prendre le problème à bras-le-corps. "Favoriser le dialogue territorial rentrait dans le cadre du plan Ecophyto. Nous avons rencontré l'Union régionale des CPIE [Centre permanent d'initiative pour l'environnement, ndlr] de Provence-Alpes-Côte d'Azur, un organisme neutre à qui nous avons confié l'action d'engager une expérimentation de dialogue territorial dans la région, sur trois sites", explique Frédérique Maquaire, cheffe de projet Ecophyto à la Draaf.
Du côté de la profession, il y avait aussi nécessité d'agir. "Les jeunes agriculteurs étaient notamment en demande de solutions face à un agribashing de plus en plus exacerbé. On s'est aperçu qu'il ne fallait pas forcément passer par une démarche descendante de l'agriculteur vers le riverain, mais que tenter de renouer le dialogue à l'échelle d'une commune pouvait être pertinent afin de comprendre les préoccupations des riverains", rapporte Marie-Thérèse Arnaud, chargée de mission environnement territoire à la Chambre régionale d'agriculture Paca.
Trois territoires ont souhaité adhérer au projet : les communes de Rousset, dans les Bouches-du-Rhône, de Hyères, dans le Var, et de Châteauneuf-de-Gadagne, en Vaucluse. Dans chacune d'entre elles, le travail des CPIE a consisté à établir le dialogue entre les agriculteurs et les riverains sur l'utilisation des produits phytosanitaires et, plus largement, sur un partage apaisé des espaces agricoles et naturels.
Pour ce faire, "les associations de chasse, de protection de l'environnement, de riverains, de randonneurs, etc. ont été sollicitées, afin de travailler avec les élus et repérer les problématiques, identifier les parties prenantes, puis mener des entretiens", indique Céline Lelièvre, secrétaire de l'Union régionale des CPIE de Paca. "L'objectif n'était pas d'apporter les solutions aux conflits ou aux problématiques, mais de permettre qu'elles viennent des gens autour de la table", ajoute-t-elle.
Plus globalement, toute la démarche a été mise en place selon une méthode de concertation et de dialogue territorial, qui fait ses preuves par ailleurs et repose avant tout sur l'écoute de chacun. "Dans 80 % des situations, ce qui ressort, c'est davantage de la méconnaissance que de la malveillance", indique Céline Lelièvre. Les projets, démarrés en 2021, se sont terminés au printemps dernier. Quelques solutions - des idées d'actions simples et des informations permettant de mieux vivre ensemble - ont pu être produites et mises en œuvre au-delà de la présence des CPIE, sur le terrain pour que le dialogue perdure sur les territoires.
À Rousset par exemple, le projet a mobilisé une vingtaine de participants et regroupait la collectivité, des viticulteurs, des riverains et des associations locales. Pour favoriser la démarche et entretenir le dialogue, ce groupe a choisi de produire un petit livret reprenant les coordonnées des agriculteurs ainsi que différentes réponses transparentes sur la question de l'usage des produits phytosanitaires. Il est diffusé par la mairie, les coopératives et lors d'événements locaux comme base de discussion.
Ces dialogues territoriaux ont souvent permis de rassurer. Contre toute attente, "c'est la question du partage de l'espace qui est davantage ressortie lors des différents échanges. Plus que la question des phyto. Il faut comprendre que ce territoire comme celui de Châteauneuf-de-Gadagne notamment, s'est retrouvé en une quinzaine d'années partagé par une dizaine d'acteurs différents", explique Céline Lelièvre.
"Les gens se font rapidement des idées avec tout ce que véhiculent les médias. Il suffit de prendre le temps d'expliquer ce que font les agriculteurs, qu'ils ne traitent pas la nuit pour se cacher par exemple", témoigne Marielle Fabre, adjointe à l'environnement et à l'agriculture de Châteauneuf-de-Gadagne.
Sur Hyères, le projet s'est heurté à la difficulté de rencontrer les bons interlocuteurs sur une ville de 56 000 habitants. Néanmoins, quatre courtes vidéos pédagogiques ont été produites sur les sujets qui questionnaient les riverains, à savoir l'agriculture hyéroise, l'usage de l'eau, l'usage des produits phytosanitaires, la gestion des risques et l'entretien des paysages par les agriculteurs. À Châteauneuf-de-Gadagne, lors des ateliers, le groupe s'est positionné sur l'installation d'un panneau d'information intitulé 'Bien vivre ensemble', installé sur le lieu fréquenté de l'Arbousière, pour informer les riverains, promeneurs, agriculteurs, chasseurs, etc.
Dans ces expérimentations, les agriculteurs ont pu communiquer sur la proximité, les bonnes pratiques, mais aussi faire la promotion des labels et des signes de qualité. Autant d'arguments que le grand public et les riverains, à l'échelle d'un territoire, peuvent parfaitement assimiler. Si ce type de démarche pro-active ne résoudra pas tous les problèmes, c'est une piste sérieuse et pertinente sur laquelle de nombreux agriculteurs ont souhaité s'engager pour contrer les idées reçues.
"Ces dialogues à l'échelle d'un territoire demandent du temps et peuvent se construire sur plusieurs mois. Il faut que les gens qui ne se connaissent pas puissent se rencontrer et se parler", témoigne François Berud, viticulteur sur Châteauneuf-de-Gadagne. Mais au final, "une meilleure compréhension des impératifs de chacun et de véritables liens ont pu se créer dans les différents sites d'expérimentation, et c'est ce qui est important", complète Céline Lelièvre.
Une deuxième phase d'expérimentations est prévue en région. Dans les Bouches-du-Rhône, le groupe créé à Rousset va se poursuivre avec d'autres agriculteurs, et un nouveau projet doit être lancé à Barbentane.
Si au sein de la société, la profession agricole malmenée par les évolutions du monde moderne continuera de se battre contre les idéologies des minorités- au plan juridique aussi quand cela est nécessaire- c'est sur le terrain de la proximité que le dialogue doit d'abord pouvoir être noué. Même si les agissements- verbaux, physiques ou par réseau social interposé- dont les agriculteurs sont victimes ne sont souvent le fait que d'une minorité, les agriculteurs veulent aussi montrer qu'ils ne sont pas de si mauvais voisins.
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