Valréas
Culture historique du Vaucluse, la garance pourrait bien revenir en force dans le département, grâce à la ténacité d'une ancienne contrôleuse aérienne : Christine d'Ingrando
Christine d'Ingrando et pour la SAS 'Erubescence' relance filière garance à Valréas
© Crédit photo : PN
Amandes, safran, pistaches, genièvre, hélichryse... petit à petit, dans une agriculture où les marchés de niche prennent chaque année une place croissante, de nouvelles ou d'anciennes cultures sont plantées, cultivées, récoltées, et reprennent leur place dans une filière de production où parfois tout est à recréer.
Depuis quelques années, c'est une très ancienne plante tinctoriale, la garance, qui se rappelle à la mémoire des Vauclusiens. En 1742, un arménien du nom de Hovhannès Althounian - qui fit franciser son nom en Jean Althen - planta à côté d'Entraigues-sur-Sorgue de grands champs de garance, après une tentative infructueuse pour cause de climat dans la Loire. En 1839, le roi Charles X décide que le nouvel uniforme de l'armée française doit être d'une couleur moins salissante que le blanc : et c'est ainsi que les soldats français, jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale, portèrent un képi et un pantalon 'rouge garance'. Le Vaucluse, grâce à son climat, fut le principal producteur de garance français jusqu'en 1860. 50 moulins dédiés à la production de cette poudre colorante étaient installés dans le département, notamment autour d'Althen-les-Paluds.
Aujourd'hui, c'est une ancienne contrôleuse aérienne, Christine d'Ingrando, qui est à l'origine du renouveau de la garance vauclusienne, lorsqu'elle s'installe en 2007 à Entraigues-sur-Sorgues. "Une amie m'a demandé de faire des recherches sur un ancien bâtiment industriel, lié à l'histoire de la garance", se remémore-t-elle. "Je suis née à Orange, mais jamais personne ne m'avait parlé de cette plante, qui a pourtant été l'une des fiertés du Vaucluse au XIXe siècle."
C'est ensuite le hasard qui va donner un petit coup de pouce. "Il se trouve qu'à ce moment-là ,une équipe de chercheurs du laboratoire de chimie appliquée à l'art et à l'archéologie de l'université d'Avignon venait de publier un article sur cette plante. Je suis allé rencontrer la responsable de ce laboratoire, Cathy Vieillescazes, et nous avons réfléchi ensemble à ce qu'il serait possible de faire aujourd'hui avec cette plante." À partir de 2011, de multiples programmes de recherches autour de cette plante sont lancés et pilotés par l'Université d'Avignon, avec une double entrée, agronomie et chimie, et aboutissent notamment à une thèse doctorale.
En 2015, Christine d'Ingrando décide de créer sa société, à la Cité du végétal de Valréas : la SAS 'Erubescence'. Son objectif est double : vendre de la teinture de garance aux industriels d'une part ; et, d'autre part, produire et transformer la garance dans un processus intégralement biologique.
"Lorsque j'ai contacté les différents industriels, notamment du luxe, qui utilisent la teinture de garance, je me suis aperçue qu'ils avaient des exigences très précises, en matière de teintes mais aussi de finesse de la poudre de garance."
Commence alors pour Christine d'Ingrando une double activité d'investigations : il faut tout d'abord faire d'innombrables essais, afin de trouver les machines adéquates avant d'imaginer ensuite une véritable ligne de production ; mais il faut surtout sélectionner un plant dont les caractéristiques tinctoriales correspondent aux besoins de ses marchés, à savoir ce fameux "rouge garance" inimitable. "La garance a 18 molécules colorantes, allant du jaune au rouge. Il a donc fallu faire un important travail de sélection moléculaire, jusqu'à aboutir à la teinte désirée. C'est ensuite l'entreprise Duplan de Provence1, à Carpentras, qui a été chargée de procéder à la multiplication des plants."
Et ce vendredi de la mi-juin, alors qu'une météo favorable permet l'opération, les 10 000 premiers plants de garance sont donc plantés par les équipes de M. Font, agriculteur à Valréas. "La Communauté de communes Enclave des Papes pays de Grignan, présidée par Patrick Adrien, en collaboration avec la Safer et la Chambre d'agriculture, a mis à disposition un certain nombre d'hectares destinés à l'expérimentation", se félicite Christine d'Ingrando. "Sans ce précieux soutien, les choses n'auraient pas été possibles." L'élu en charge du développement économique, Jean-Marie Roussin, est d'ailleurs présent en ce jour de plantation. La première garancière de Vaucluse est donc installée là, sur un hectare.
"Les plants seront à maturité dans trois ans", explique Christine d'Ingrando. "C'est bien évidemment une parcelle témoin qui va nous permettre - pendant les trois années de développement du plant jusqu'à sa maturité - d'observer les effets du changement climatique, de voir comment nous allons devoir mener les sols, les amender etc." Bien évidemment, la culture doit être menée en bio, pour satisfaire aux critères d'exigence de l'industrie du luxe.
La prochaine étape, pour Christine d'Ingrando et pour la SAS 'Erubescence', est de mener deux chantiers de front. "Il va nous falloir à la fois trouver des locaux pour installer notre chaîne de production, avec de véritables salles blanches pour préserver le niveau de qualité. Et, bien entendu, trouver des exploitants agricoles qui puissent accueillir, eux aussi, des garancières sur leurs terres. Je cherche des gens qui s'intéressent également à l'aspect expérimental de notre démarche. L'objectif final est de créer une véritable filière autour de cette plante, dans notre département", conclut-elle. Un défi passionnant, dans lequel elle espère entraîner une belle dynamique agricole.
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