Les problématiques liées au commerce ont pris une place importante dans les travaux du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) ces dernières années. La notion de valeur des produits et la notion de compétitivité des acteurs sont deux des axes principaux de recherche et de transfert. Au même titre que les études sur le consommateur. "Partenaire, ami ou encore consom'acteur. On essaye de lui donner tout un tas de définitions. On essaye aussi de le rendre fidèle, alors qu'il ne l'est pas. Il est parfois incohérent souvent contradictoire", observe Ludovic Guinard, directeur général du CTIFL.

Car comprendre le consommateur n'est pas si simple. Les mutations que connaît le commerce sont pourtant directement liées au consommateur. Le centre technique - qui s'intéresse de près à la consommation - organisait en mars dernier à Saint-Rémy une rencontre sur les enjeux du commerce de détail des fruits et légumes. "Quelle est la vraie saison de la tomate ? Qui de mieux que les commerçants pour informer le consommateur qui a perdu aujourd'hui tous ses repères ?", interroge Jacques Rouchaussé, le président du CTIFL. Et d'ajouter : "Saisonnalité, qualité des produits, etc. Les commerçants sont un maillon indispensable pour informer le consommateur. Ce sont eux qui font le lien entre toute une filière et les consommateurs. Le point de vente étant le lieu où les produits rencontrent le client, ce sont eux qui mettent en valeur l'offre et assurent le développement de nos productions".

Comprendre le consommateur

L'inflation a impacté et réduit les achats des consommateurs et avec elle, la percolation des moyens vers les différents acteurs de la filière des fruits et légumes. Mais son président estime que "les plans gouvernementaux engagés et les fonds annoncés offrent vraiment des perspectives majeures pour les années à venir".

Si le Plan de souveraineté des fruits et légumes est une opportunité que la profession veut saisir pour augmenter le taux d'auto-approvisionnement de la filière française en augmentant la consommation, l'enjeu est aussi de mieux percevoir le consommateur, d'anticiper ses réactions et de donner à la filière des éléments clés. Ces derniers doivent permettent de s'adapter à ce qu'attend ce fameux 'consom'acteur', tout en favorisant ses arbitrages dans le sens des fruits et légumes. Dans ce contexte, le CTIFL s'attelle à tous ces chantiers, en travaillant notamment sur le format de vente qui évolue.

Avec des parts de marché en baisse sur les deux dernières années, les hypermarchés sont, par exemple, en train de sérieusement s'interroger. Les consommateurs n'en veulent plus et préfèrent arpenter les magasins de plus petite taille. Mais les modalités de consommation plus virtuelles sont aussi des voies d'innovation dans la manière de proposer les produits aux consommateurs. Il paraît alors capital de déterminer quel pourrait être, demain, le mode de vente le plus adapté pour les fruits et légumes. Se dirige-t-on peut-être vers un modèle hybride ou vers la métamorphose des points de vente ?

Des rayons expérimentaux

Le CTIFL travaille par exemple à la mise en place d'une zone expérimentale point de vente, où les consommateurs sont reçus et scrutés. "L'objectif est d'observer leur comportement, la réalité de leurs actes d'achat. De voir comment ils vont arbitrer et prendre en compte les innovations proposées dans leur consommation", explique Ludovic Guinard. À travers ses études, le CTIFL cherche à éclairer la profession sur le 'bon format', celui qui peut faire augmenter les volumes et la valeur des fruits et légumes. Encore faut-il bien comprendre ses choix.

Comme le soulignait Philippe Moati, économiste fondateur et co-président de l'observatoire 'Société et consommation', "à court terme, les contraintes s'imposent aux idéaux. À long terme, ce sont les idéaux qui mènent la danse". Et les incertitudes sur la dynamique des contraintes sont nombreuses. "L'instabilité géopolitique risque de relancer l'inflation. La transition écologique risque de peser durablement sur le pouvoir d'achat."

Mesurer contraintes et idéaux

Avec l'engouement pour la proximité qui reste profondément ancré dans l'esprit du consommateur, le commerce de précision n'a pas fini de se déployer. "La dynamique du e-commerce alimentaire, le développement des approches servicielles de l'alimentation, sont à surveiller de près", d'après Philippe Moati. Décidément, le commerce n'a pas fini sa révolution !

Les mutations qu'il connaît sont certes liées au consommateur, mais pas seulement. À ses désirs et ses injonctions contradictoires, certaines modifications assez profondes émanent plutôt de l'amont. Des décisions sur la capacité de produire, d'emballer, de faire de la logistique, etc. Elles produisent au niveau du commerce et des échanges un certain nombre de contraintes, pour lesquelles le CTIFL cherche aussi des solutions. "Pour optimiser et rendre plus compétitif ce maillon, nous travaillons sur la conservation par exemple. Parce que toute réduction de produits phytosanitaires, toute modification de la production, en amont, a des conséquences sur la manière de conduire le produit jusqu'au consommateur", indique Ludovic Guinard.

Réfléchir au commerce c'est imaginer de nouvelles gammes et de nouveaux modes de ventes, c'est valoriser aussi l'offre et le travail de toute une filière. C'est cette reconfiguration de la vente qui pourra améliorer l'attrait des fruits et légumes. Le commerce de détail comme la grande distribution ont du pain sur la planche.  

Dans son focus sur la consommation des fruits et légumes chez les Français, Catherine Barros, du département 'Prospectives' du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, a rapporté que le mode de production arrivait en 4^e position dans les différents critères recherchés par le consommateur et le conduisant à l'acte d'achat, après la notion de fraîcheur, le prix et l'origine.