Pour la cinquième fois, le Domaine André Berthet-Rayne se prépare à changer de dirigeant. André Berthet-Rayne, qui avait pris le relais de son père, approche en effet des 60 ans et se prépare à une retraite méritée. C'est sa seconde fille, Alexandra, qui va prendre le relais, d'ici trois ou quatre ans, de ce petit domaine niché au creux de ses vignes.

"La majeure partie de nos terres sont autour de la cave", affirme avec fierté André Berthet-Rayne. "Ce qui veut dire qu'on limite vraiment nos trajets avec les engins, mais aussi que nos raisins sont en grande partie protégés des traitements utilisés sur d'autres parcelles menées conventionnellement." Car ici, à Cairanne, le domaine A. Berthet-Rayne fait partie depuis longtemps des précurseurs de l'agriculture biologique.

Développement au fil des générations

"Le domaine a été créé par mon arrière-grand-père, Charles Berthet-Rayne, en 1880, autour du mas familial, avec six hectares de vignes, répartis sur deux vignobles. Puis mon père, Paul, a développé la vigne, juste après la Seconde Guerre mondiale, sur le Plan de Dieu", explique André. "Et c'est mon grand-père qui a créé la bouteille spécifique à notre domaine", complète Alexandra. "C'est lui aussi, avec mes deux frères qui l'avaient rejoint au début des années 70, qui a bâti la cave. Moi, je suis arrivé en 1984. Mon père est parti à la retraite en 1990, et mes frères en 2010. J'ai alors géré le domaine avec mon épouse, Marina, et en 2017, Alexandra a décidé de nous rejoindre."

Tour d'horizon des métiers du vin

Pourtant Alexandra ne se voyait pas forcément devenir vigneronne. "J'ai fait un DUT technique de commercialisation à Avignon, en le finissant par un stage de deux mois aux États-Unis chez notre importateur principal, précisément pour apprendre les procédures import-export. Ce qui m'a, en fait, rapproché du milieu du vin. Ensuite, j'ai poursuivi avec une école de commerce lyonnaise, grâce à laquelle j'ai fait un stage de six mois... dans les bureaux de l'appellation Vacqueyras ! Une fois mon diplôme en poche, je suis retourné travailler chez notre importateur aux États-Unis pendant quatre mois, cette fois j'étais plus sur le marketing et le terrain."

Une fois rentrée en France, Alexandra poursuit son tour d'horizon de la commercialisation du vin, en allant travailler huit mois au Château Berbrol, en charge de l'accueil des particuliers. "À la fin de ce contrat, on me proposait de rester. Mais j'ai fait le choix de rejoindre le domaine familial." Elle commence par travailler sur la communication, notamment numérique, puis participe activement aux différents salons. "Et puis, en 2019, j'ai accompagné mon père sur la vinification, tout en passant un bac pro 'Conduite et gestion d'une exploitation agricole', spécialité 'Vigne et vin', afin de pouvoir m'installer en tant que jeune agricultrice en juillet 2020." Dans le même temps, Axel est arrivé au domaine. Cet ancien militaire de carrière, titulaire d'un bac pro mécanique agricole, a choisi de poursuivre sa vie professionnelle dans les métiers de la vigne. Et les deux jeunes gens ont un coup de cœur l'un pour l'autre, d'où naîtront deux enfants. C'est ainsi qu'un nouveau couple se prépare donc à prendre la relève d'André et Marina.

Engagement bio dynamique

Alexandra et Axel partagent l'engagement d'André pour des pratiques agricoles renouvelées. "Dans les années 2000, nous avons commencé mon frère et moi à travailler comme les vignerons labellisés en agriculture biologique. Ça me semblait juste logique, de bon sens.", explique André. "En 2008, nous avons entamé notre conversion bio. Mais dans les faits, on est carrément passé à la biodynamie. On a été labellisé AB en 2011, et on a commencé notre conversion en biodynamie avec Biodyvin en 2021. Nous avons mené avec Axel un gros travail de restructuration du vignoble. Nous avons de très vieilles vignes, mais aussi des plantiers", relance Alexandra, détaillant ces derniers : grenache blanc, roussane, clairette pour répondre au cahier des charges de l'appellation Cairanne, mais aussi viognier, bourboulenc et marsanne ; et, pour les rouges, grenache noir, carignan, mourvèdre, cinsault et syrah.

Gamme large et vente à l'export

Cette belle palette de cépages permet au Domaine André Berthet-Rayne de produire plusieurs appellations : AOP Cairanne et Côtes du Rhône, et Côtes du Rhône Village. "Nous faisons assez peu de rosé. En revanche, nous misons beaucoup sur le blanc, qui représente environ 20 % de notre gamme, alors que sur Cairanne en général, il n'y a que 5 % de blancs", explique Alexandra. Ce qui permet d'afficher 5 blancs parmi les 11 cuvées du domaine, dont 4 cuvées 'méthode nature'. Enfin, les deux cuvées haut de gamme 'Castel Mireio', en cairanne rouge et blanc, sont le fer de lance du domaine.

Ces vins, la famille Berthet-Rayne les commercialise à 50 % à l'export, un fort beau chiffre pour un domaine de taille moyenne. "Mes frères s'étaient lancés dans l'export dans les années 90, c'est devenu une culture, chez nous", se rappelle André. "Nous sommes présent aux États-Unis, en Europe, et jusqu'au Covid dans le sud-est asiatique", précise Alexandra. Le reste des vins est commercialisé en France, chez les cavistes, et par le biais d'une dizaine de salons professionnels.

En route vers l'agroforesterie

Comment André Berthet-Rayne voit-il ses dernières années à la tête du domaine familial ? "Je vais me consacrer à une nouvelle évolution des pratiques culturales", affirme-t-il. "Je m'intéresse depuis quelques années à l'agroforesterie, qui a fait ses preuves dans le maraîchage notamment, et que quelques domaines ont réussi avec succès à adapter à la viticulture. C'est une réponse prometteuse aux enjeux de changements climatiques. Se remettre en question, c'est ce que les agriculteurs ont toujours su faire pour faire évoluer leur métier" conclut-il.  

5 générations se sont succédé à la tête du domaine qui existe depuis presque 150 ans

31 hectares de vigne

20 % de la production en blanc

11 cuvées

50 % de ventes à l'export