Pernes-les-Fontaines
Après 20 ans dans le maraîchage, puis 10 dans le terrassement, Pascal Petit a commencé à élever des brebis. Il y a une dizaine d'années, lorsque les planètes s'alignent enfin, il est à mille lieues d'imaginer qu'il deviendrait éleveur à temps plein. Aujourd'hui, il n'y a plus un doute pour lui remuer l'esprit : Pascal a trouvé sa place.
© Crédit photo : ML
Un agneau à la main, Pascal Petit tente de mener la mère vers la remorque. Objectif ? Ramener ce petit monde au chaud à la bergerie. L'éleveur vient d'achever la période la plus intense des agnelages. La première quinzaine de novembre ne lui laisse effectivement que peu de répit, avec 10 à 15 naissances par jour.
S'il pouvait, il les laisserait plus longtemps dehors, mais le temps ne le permettait pas et, avec la fragilité des nouveau-nés, le plus important est de conserver le lien avec la mère. "Parfois, il faut donner le biberon en plus de les laisser sous la mère, quand elle ne peut pas nourrir l'agneau correctement ou que certains sont rejetés. Dans ce cas, on donne des biberons, on teste des choses comme de frotter le bébé avec le placenta pour essayer de susciter l'instinct maternel", liste Pascal Petit. "Ce sont des choses qu'on ne vous dit pas quand vous démarrez", ajoute-t-il.
Il a en effet découvert le métier sur le tard. À 58 ans, l'éleveur possède des bêtes depuis une dizaine d'années. Avant cela, il a passé dix ans dans le terrassement, et encore avant, vingt ans à s'occuper de ses cinq hectares de serres maraîchères. "Un jour, je me suis demandé ce qui manquait à ma vie, et je me suis dit : une transhumance. Puis il y a eu l'alignement des planètes : j'ai pu récupérer des terres à un ami, puis quelques bêtes, puis d'autres", se souvient-il.
En allant à la chasse, il aperçoit de belles brebis rouges dans un pâturage : des mourérous. "En plus d'être belles, elles sont très résistantes et adaptées à l'environnement actuel", atteste l'éleveur. Aujourd'hui, il n'a quasiment plus que cette race dans ses près de 320 brebis.
"Il y a encore un peu de croisements, mais l'objectif est de se rapprocher au maximum du standard, avec cette couleur marron-rouge foncé qui colore aussi la viande", affirme Pascal Petit. Son ambition est d'atteindre le même niveau que Gilbert Gaillan, éleveur surnommé par ses pairs 'Le dieu des mourérous' tant son troupeau était magnifique.
Dans le respect du bien-être animal, il fait tout pour prendre soin de ses bêtes. "Quand il y a un souci avec une mère, c'est une vie à sauver", explique le cinquantenaire. Depuis quelques années, elles sont d'ailleurs toutes échographiées. Une question d'anticipation, pour les naissances, pour les potentiels problèmes, pour les fourrages qu'il produit lui-même...
Un de ses vieux béliers se la coule douce, en pleine sieste devant les box de la bergerie. "Chez certains, il aurait probablement fini en merguez à quatre ou cinq ans", plaisante-t-il. Jusqu'à l'abattage, il met un point d'honneur à ce que les bêtes partent dans la dignité. Pascal les monte le lundi à l'abattoir de Digne et récupère la viande le vendredi, pour composer les caissettes qu'il vend en direct. Il regrette la structure à l'abandon de Carpentras, et estime peu probable que l'abattoir mobile voit le jour. Alors, pour le moment, il poursuit ses allers-retours, pour la qualité. "Je trouve que la viande est meilleure quand elle a été découpée là-bas, et les clients aussi."
S'il parle également de la viande, c'est qu'il a conscience de la finalité de son métier : "Il y a l'amour des bêtes, mais on sait que le but c'est de manger. Les gens ont un peu de mal à comprendre ça". Il espère pouvoir mieux communiquer à l'avenir, notamment en continuant de participer aux foires de terroir qui, en plus de participer au folklore, entretiennent un contact avec le public.
Avec sa fille, Julie, qui s'occupe de sa communication sur les réseaux, il espère organiser des transhumances par petits groupes de brebis avec des curieux. Le projet ne verra pas le jour immédiatement, mais il permettrait de tisser des liens et, peut-être, de transformer le curieux en consommateur.
Pascal connaît son troupeau, il a appris à comprendre son comportement. Un bêlement insistant et répété signale qu'une des bêtes à perdu son petit dans la bergerie. Trystan, son petit-neveu, s'en va vite assister la mère en détresse. Le regard attendri, il regarde le jeune garçon. Ce dernier aime l'aider et connaît bien le troupeau. Mais l'énergie d'un enfant est-elle suffisante pour transmettre la passion ? Il l'espère de tout cœur. Il y a tant de choses qu'il aimerait voir s'améliorer pour assurer un avenir aux jeunes dans l'élevage. "Déjà, sans la Pac, ce ne serait pas possible de tenir. Imaginons que mes 300 brebis aient toutes un agneau par an et que je puisse vendre chacun 100 €. Vous imaginez une entreprise qui tournerait avec 30 000 € à l'année ? Il faut au moins autant d'aides pour survivre", alerte-t-il.
Sans compter la pression du foncier qui ne s'arrange pas d'année en année : "En haut du Vaucluse, on a le loup. En bas, l'urbanisation". Il en appelle au bon sens des propriétaires pour permettre aux troupeaux de venir pâturer sur leurs terres. Mais, une fois de plus, le chemin à parcourir reste encore long.
Pascal Petit se console, il parvient à mener son troupeau et profite du talent hors pair de son berger au Col d'Allos, Fred Cheilan. "Grâce à lui, je n'ai pas perdu une bête en trois ans. Il les passe toutes au peigne fin, et les connaît comme si elles étaient les siennes", se réjouit l'éleveur pernois qui a trouvé l'alpage idéal. Il fait maintenant son maximum pour continuer à élever ses mourérous chéries avec passion, tout en continuant à communiquer sur des points positifs et concrets de son fabuleux métier.
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