Dans le Luberon, l'osier n'est pas une lubie associative, n'en déplaise à ses détracteurs qui y voient une activité marginale, réservée aux 'bobos' en reconversion. Au contraire, l'ancrage est historique, bien que sa présence sur les berges de la Durance ait peu à peu diminué jusqu'à quasiment disparaître. Pendant deux siècles, grâce à la proximité de la Durance avec la commune, l'osiériculture et la vannerie fine étaient même plus que répandues. Jusqu'à 270 vanniers et 2 coopératives ont cohabité à Cadenet.

"C'est l'importation de rotin qui a fait du mal à la filière locale. Avec la mondialisation, la vannerie arrivait alors par containers entiers et le développement de l'utilisation du plastique a accentué le déclin. Les ateliers ont fini par fermer", raconte Stéphane Astier, trésorier de l'association. L'endiguement de la Durance, au milieu du XIX^e siècle, a également mené à une diminution considérable des oseraies sauvages. Malgré le musée installé sur la commune, malheureusement fermé depuis plus d'un an, dans lequel est conservée la mémoire de cette période, le savoir-faire se perd. Alors, en 2014 l'association 'Cadenet Tambour Battant' voit le jour. "L'idée était de redonner une identité patrimoniale à notre village, en se réappropriant cette part d'histoire", explique-t-il. En 2015, un champ de 4 000 m² est planté sur la commune, soit l'équivalent d'environ 20 000 boutures. Le chantier est participatif et le restera : c'est le début de l'aventure.

Rendre au village son identité

L'association ne s'arrête pas là. "Nous voulions passer à l'étape supérieure, et nous avons obtenu des financements européens Leader [Liaison entre actions de développement de l'économie rurale, ndlr]. Cela nous a permis de créer une œuvre artistique dans le village, inaugurée en 2021, mais aussi de faire un audit patrimonial, afin de voir comment mettre en valeur l'osier et la vannerie. Cela nous a aussi permis d'accueillir une stagiaire qui a réalisé une étude du potentiel de production d'osier pour la vannerie", détaille Véronique Puvilland, présidente de 'Cadenet Tambour Battant'.

La création d'un parcours touristique et une scénographie pour représenter ce patrimoine à travers des grandes photos, des silhouettes de vannier et une fresque est aussi en cours de réalisation. "Nous avons fait une demande pour obtenir des fonds pour une enveloppe de 60 000 euros. C'est trop à supporter pour nous, mais la mairie a accepté d'être porteur de projet. Nous sommes très heureux de voir que la municipalité s'approprie le projet", s'enthousiasme la présidente. Pour le moment l'appel à concurrence est en cours. La réalisation d'un salicetum - conservatoire de différentes variétés de saule, l'osier étant une branche de saule d'un an - est également envisagée dans le centre du village. Il serait rendu accessible à tous, et notamment aux écoles et séniors pour diverses activités.

'Cadenet Tambour Battant' s'active également pour dynamiser le potentiel de la filière, en organisant tout au long de l'année une trentaine de stages d'initiation ou de perfectionnement à la vannerie. Une fête de la vannerie a également lieu chaque année en juillet, lors de laquelle est organisé, entre autres, un marché d'artisans vanniers.

Une culture particulièrement adaptée

Manon Marjot, élève ingénieur, aura disposé de six mois pour préparer un mémoire d'étude sur la culture de l'osier¹. "Elle a rassemblé le peu de bibliographie qu'elle a pu trouver, réalisé une enquête de terrain et analysé les sols. Ça lui aura permis de réaliser une fiche technique sur les différents osiers, notamment dans l'objectif de voir ce qui était plantable ici, et quelle rentabilité de la culture pouvait être envisagée", précise Claire Duval, secrétaire de l'association en charge du pôle 'Agriculture'.

Et la rentabilité paraît justement excellente. "Après, tout dépend de comment on travaille. Le seul bémol est la présence de chrysomèle, un ravageur qui rend l'osier fourchu", ajoute-t-elle. Manon Marjot a également profité des informations rassemblées lors de son stage pour établir un calendrier de travail et ouvrir de nouvelles pistes : diversification grâce à l'utilisation d'outils similaires au maraîchage et à la viticulture, débouchés multiples, amélioration de la biodiversité...

L'association aimerait monter une coopérative. "Pour que quelqu'un se décide à planter, il a besoin de s'assurer que la commercialisation est ensuite possible. Pour trouver des producteurs, il faut amorcer la pompe. Une fois qu'on aura pleinement réussi à lancer l'installation de nouveaux osiériculteurs, alors ça devrait motiver les troupes", affirme Claire Duval.

Le mémoire de Manon Marjot fait aujourd'hui référence pour cette filière, jusqu'à aujourd'hui assez peu documentée. 'Cadenet Tambour Battant' espère pouvoir s'en servir pour aller chercher de l'animation et de l'accompagnement, notamment auprès de la Chambre d'agriculture du département. Avec plus de producteurs, l'association pourrait même aller chercher la création d'un GIEE et de nouveaux financements.

Un agriculteur est en cours d'installation et envisage de planter de l'osier ; et une seconde personne, en cours de reconversion, s'oriente également sur cette voie. Alors, avec cette tranquille mise en place, tous les espoirs sont permis pour peut-être un jour voir naître le label'Osier de Provence', ici en Luberon !

1 champ d'osier de 4 000 m² en fermage

20 000 boutures plantées en 2015

2 vanniers membres du conseil d'administration, bientôt 3

Environ 40 adhérents et près de 20 bénévoles actifs

Entre 200 et 300 sympathisants

2 dates clés : la récolte fin janvier et la fête de l'osier en juillet