France 29/07/2022
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Quelle filière pomme pour la compétitivité de la France ?

Pour évaluer l'avenir de la compétitivité du pays en matière d'export de la production agricole, le Sénat planche sur un rapport et étudie cinq productions : le blé, le poulet, le lait, la tomate et la pomme. Pour cette dernière, les sénateurs se sont rendus, jeudi 21 juillet, chez Mesfruits, aux Vignères.

Dans les vergers, Hugo et François Mestre (à gauche et à droite) expliquent les difficultés rencontrées par la filière dès le début de la production.

© Crédit photo : ML

Un million de pommes sortent chaque jour de la station de conditionnement de Mesfruits, situé aux Vignères (84). Grandes surfaces de production avec 500 hectares de vergers, grandes capacités pour le conditionnement, belle ancienneté avec bientôt 100 ans d'existence... L'entreprise était une interlocutrice de choix pour les sénateurs - Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou - qui œuvrent, depuis mars, pour la mission d'information compétitivité Ferme France.

Cette dernière a l'objectif clairement affiché de déceler pourquoi la France en est arrivée là. Comment, entre 2006 et 2021, l'Hexagone a-t-il pu passer de la 2e à la 6e place des pays exportateurs de production agricole ?"Pour établir ce rapport, nous nous appuyons sur cinq axes correspondant à cinq productions emblématiques de l'alimentation des Français, cinq productions qui, de fait, ont également beaucoup de concurrence", explique Laurent Duplomb, sénateur pilotant le rapport, puisqu'issu du groupe majoritaire de la chambre haute du Parlement, Les Républicains. Outre la pomme, les autres filières choisies sont le blé, le poulet, le lait, la tomate.

Après avoir auditionné nombres d'acteurs - producteurs, transformateurs ou encore transporteurs -, les trois sénateurs se rendent donc sur le terrain pour confirmer les informations préalablement collectées, et voir de leurs propres yeux la réalité du terrain.

Récupérer le contrôle de la communication

Depuis 1924, l'exploitation Mesfruits est gérée par la famille Mestre. Aujourd'hui, la troisième génération - les frères Jacques et François - tient les rênes. La descendance n'est pas bien loin, avec Hugo, le fils du premier, la vingtaine et les deux pieds fermement ancrés dans les vergers. Pour Gérard Daudet, maire de Cavaillon, dont Les Vignères dépend, la persistance de cette entreprise familiale est un signe encourageant : "Nous sommes loin des trois hectares des débuts. C'est une preuve que les exploitations de notre territoire peuvent prospérer, et que ça va continuer".

Malgré cela, François Mestre reste lucide : un ensemble de facteurs complique largement la tâche aux agriculteurs. "La perte de compétitivité est un mal lent et chronique, extrêmement dur à identifier", évoque-t-il. Parmi les problèmes, la communication : "Nous n'avons jamais autant eu peur de ce que l'on mange, alors que l'alimentation n'a jamais été aussi saine qu'aujourd'hui. Il y a un problème de communication : nous sommes dispersés et ça profite à la grande distribution qui a récupéré notre image, tout en nous laissant les difficultés", poursuit le cogérant de Mesfruits.

"Chez nous, on a des filets, de l'antigel...La nature n'est pas gentille, on doit tout mettre en œuvre pour se protéger d'elle et des ravageurs qui assiègent nos vergers. Sauf que là, nous sommes en train de perdre les derniers produits qui nous permettent de lutter, contre le carpocapse par exemple", développe Hugo Mestre. Pour continuer à combattre le lépidoptère, il faudrait fermer totalement le verger et envelopper chaque rang dans une sorte de grande chaussette. "Sur 500 hectares, ça représente dix millions d'euros, donc évidemment, ces produits comptent beaucoup."

"La perte de compétitivité est un mal lent et chronique extrêmement dur à identifier."

Son oncle l'affirme, ces questions tiennent à la communication : "L'a- cheteur est engagé par rapport au message qu'il reçoit ; Et, actuellement, ce qu'il comprend, c'est que les pommes sont très traitées. En revanche, je n'entends rien au sujet des rouges à lèvres et leurs 17 matières actives". Les mots 'traitements phytosanitaires' relevant selon lui d'un vocabulaire devenu barbare, l'agriculteur aurait finalement perdu la parole sur ce sujet.

Surtransposition et naïveté coupable

Par dessus tout, le plus handicapant semble être la surtransposition des normes européennes. Les producteurs s'interrogent sur l'avenir de la filière et la comparent sans faux-semblant à celle de la cerise, de plus en plus représentée sur les étals par les productions étrangères. "Qu'est-ce qu'on veut au juste ? Les produits importés ne sont pas soumis aux mêmes règles, nous sommes bloqués dans un modèle à contre-courant", alerte François Mestre.

L'interdiction de certaines substances relèvent selon lui de l'aberration : "Le pourcentage de matières actives est tellement faible qu'on n'arrive même pas à définir leur quantité individuellement. Nous, on se retrouve à devoir mettre des filets partout, et je vous mets au défi de trouver des tractoristes qui accepteront d'ouvrir et fermer le filet à chaque passage dans un rang, alors qu'ailleurs dans le monde, ils peuvent faire ce qu'ils veulent et vendre leurs productions dans nos supermarchés".

Il s'agit bien de cette hypocrisie dénoncée que Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou ont souhaité épingler. "Nous sommes à la croisée des chemins. Il y a une espèce de naïveté coupable avec cette interdiction de substances chez nous, tout en gardant la porte grande ouverte aux productions étrangères qui, elles, les utilisent sans problème", affirme le premier. Un problème qui est même intra-européen, comme le relève Pierre Venteau, directeur de l'Association nationale pommes poires (ANPP), comparant la situation française à celle de l'Italie.

Tous s'accordent sur une chose : il est encore temps d'autoriser le retour de certaines molécules, au lieu de faire des dérogations année après année, et surtout, avant de ne plus pouvoir manger de fruits français. "L'arboriculture est une culture de temps long. On ne fait pas demi-tour en un claquement de doigts", ajoute Pierre Venteau. La bifurcation est donc à prendre maintenant.

Les visites de terrain se poursuivent

La visite s'est poursuivie l'après-midi dans les Bouches-du-Rhône, à proximité de Tarascon pour une autre filière qui constitue également un axe phare de la mission d'information : la tomate. Les sénateurs, accompagnés d'André Bernard et Robert Giovinazzo, respectivement président et directeur de la Sonito (l'interprofession de la tomate destinée à la transformation), se sont rendus sur un chantier de récolte mécanisée et ont suivi le cheminement du fruit rouge au sein de l'usine Le Panier Provençal.

"Déjà très à l'écoute lors de notre dernière audition, ils ont été tout autant attentifs à notre discours et se veulent force de propositions pour leur prochain rapport", assure le directeur de l'interprofession.

Tant pour la tomate que la pomme, les enjeux sont grands et beaucoup d'espoirs résident encore chez les producteurs, pour voir la France reprendre de la vigueur dans la compétitivité de ses productions à l'export.

Difficultés face aux évictions de produits phytosanitaires, coût de la loi Égalim pour les producteurs, problèmes de la main-d'œuvre, ou encore produits'blacklistés' pour des raisons géopolitiques sont autant de sujets abordés et à creuser. Alors, après la pomme et la tomate, les sénateurs feront un détour en Italie, pour comparer la situation. Le rapport devrait quant à lui révéler ses conclusions fin septembre. 

Manon Lallemand •

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