La Provence, il y est né. Et après avoir été dans le bâtiment et voyagé, Alexandre Bonias a décidé d'y revenir. En rentrant en France, il décide de se consacrer à sa famille, puis son grand-père lui lègue ses terres. "Il y a longtemps que je voulais en faire quelque chose, mais il fallait que ce soit en accord avec ma personnalité", confie l'agriculteur.

Il réfléchit, se renseigne, puis mène des recherches sur le houblon. Tout part des Alpes-de-Haute-Provence, là où se trouvent la plupart des houblonnières de la région. Une connaissance le met en relation avec Thomas Narcy, chargé de projet pour l'association La Bière de Provence¹. "Il m'a proposé de venir avec eux en Ardèche pour visiter d'une malterie", se souvient-il.

Il y rencontre les amis brasseurs d'Ameno², prend connaissance de leur projet et comprend que, oui, cultiver du houblon dans le Vaucluse est possible. Mais Alexandre voulait aller plus loin et produire sa propre orge, afin d'avoir toutes les matières premières cultivées sur place. Et il l'a fait ! En hommage à sa famille, il baptise l'exploitation 'Le cabanon du papi', en référence à celui posé là, au bout d'une de ses parcelles d'orge, où se reposaient les chevaux à l'époque de son aïeul.

Une mise en place facilitée par le tissu associatif

Grâce au Feader dont bénéficiait l'association 'La Bière de Provence' et avec Agribio 04, le Grab et le lycée agricole de Valabre (13), des essais variétaux ont été menés. L'objectif était alors de mesurer les performances agronomiques de 12 variétés de houblon. Grâce aux premiers résultats, Alexandre Bonias en plante quatre chez lui : le northern brewer, l'us cascade, le marynka et le lunga. Il compte, selon les évolutions des récoltes, se spécialiser sur deux d'entre elles.

"Adhérent à 'La bière de Provence' et Agribio, j'ai pu bénéficier d'un suivi, tant sur le houblon que la culture de l'orge. Nous avons aussi créé un GIEE, à la base, avec cinq agriculteurs de la région, lancé en fin d'année 2022", précise l'houblonnier. Au début de la même année, l'association 'Houblon de Provence' voyait également le jour : "Le but est de se coordonner pour voir s'il est possible de mutualiser certains coûts, sécuriser une information précise, voir où se fournir en rhizomes...".

Actif dans ces diverses instances depuis qu'il s'est lancé, l'agriculteur se démène pour faire le maximum sur l'exploitation. Soutenu par sa compagne, Charlotte, il a ouvert sur la ferme une guinguette, le samedi 22 juillet. Celle-ci accueille du public du jeudi au dimanche, de 17 h 30 à 23 heures. Un trésor pour raconter son métier tout en servant une de ses deux bières - une blonde et une India Pale Ale (IPA), la blanche est à venir -, lui qui l'exprime avec passion en allant dans les moindres de détails, de son histoire, comme de la culture de l'orge et du houblon !

Produire et recevoir sur la ferme, une philosophie

Pour produire chez lui, il a fallu se former, puis s'organiser. Au total, il a planté 700 pieds de houblon. Pour les cultiver en bio, fil de coco obligatoire pour attacher les lianes. Et vigilance sur la hauteur par rapport au mistral. Une attention particulière est également portée au taux protéique de l'orge brassicole pour rester bio, entre autres.

"L'avantage du houblon, c'est que c'est mécanisable. Le problème, c'est qu'une trieuse coûte très cher. Mais sans, c'est non récoltable", note Alexandre. Le procédé nécessite un triage et un séchage dans les 24 h, afin de conserver toute la qualité du houblon qui sera ensuite pelletisé. Si l'utilisation d'une machine à pellets peut être mutualisée, ce n'est pas le cas de la trieuse ni du séchoir.

L'orge brassicole a, cette année, été plantée sur 4,5 ha. Il est envoyé trié et calibré à la malterie de Marcel Delapierre, dans la Vallée du Jabron. "L'année prochaine, nous devrions avoir suffisamment de stock pour ne pas replanter immédiatement, ce qui permettra de laisser les sols se reposer." Il lui faudra également planter du blé, afin de pouvoir obtenir de quoi brasser de la bière blanche.

À Lagnes, Alexandre transforme donc le tout en bière, dans des cuves qui peuvent paraître petites, mais qui permettent déjà d'avoir un bel outil pour un brewpub, mélange de pub, bar à bières, micro-brasserie et restaurant. La bière 'Papi' est ainsi servie sur place, afin de permettre les échanges entre le paysan-brasseur et sa clientèle : la compréhension avant tout !

Une transparence appréciée

Les bières sont ensuite mises dans des fût inox remployés grâce à la filiale marseillaise de Soofût. De même, une fois que les premières bouteilles seront là, il souhaiterait travailler avec L'Incassable, présent sur le même lieu. "C'est plus simple de se mettre de suite dans un tel circuit que de devoir faire une transition plus tard", commente Charlotte. La compagne d'Alexandre observe en effet les difficultés auxquelles il est confronté en tant que petit producteur bio. "Ça va dans le même sens que la question de la vente à la ferme. Les gens qui viennent veulent voir, comprendre. Ils apprécient la transparence et la pédagogie...", poursuit-elle.

Alexandre Bonias sera ainsi bientôt le seul paysan-brasseur du marché de Coustellet. Ne manque plus que la mise en bouteille pour pouvoir vendre à l'extérieur du 'Cabanon du papi' ! D'ailleur, ce dernier doit être bien fier de son petit-fils, lui qui a su faire perdurer la tradition familiale. "J'espère pouvoir continuer cette aventure en transmettant moi-même par la suite", sourit l'agriculteur. 

6,25 hectares de terre en conversion bio, 5,25 ha déjà certifiés et 4,5 ha d'orge cette année

4 variétés de houblons : northern brewer, us cascade, marynka, lurga

quelque 700 pieds plantés sur 5 000 m²

Objectif d'environ 200 kilogrammes de houblon récolté par an

Pour le moment, jusqu'à 130 hectolitres de bières par an pour travailler en flux tendu