Contamination des huîtres
Les ostréiculteurs du bassin de Thau ont porté plainte, ce 20 janvier, contre Sète agglopôle Méditerranée, la société Thau Maritima, qui a la compétence sur le réseau d'assainissement, et contre X pour atteinte à l'environnement, après que des coquillages aient été contaminés.
Pour l'ensemble de la profession, le préjudice minimum total estimé est de 6,7 millions d'euros, selon les réponses données par 171 entreprises ostréicoles (qui représentent la moitié des tables) sur les 500 du bassin de Thau.
© Crédit photo : Philippe Douteau
Depuis l'arrêté du préfet du 30 décembre, qui a interdit la récolte et la commercialisation des huîtres, des moules et des palourdes, en raison de la présence d'un norovirus ayant déclenché des cas de toxi-infections alimentaires collectives, la coupe est pleine pour les ostréiculteurs. L'interdiction devrait être levée ce 20 janvier, sous réserve de résultats de qualité sur les eaux. Quoi qu'il en soit, 2022 restera pour eux une année noire, car c'est la troisième fois que la préfecture prend un arrêté sanitaire (janvier, octobre et décembre).
Mais si les huîtres, à la différence des moules et des palourdes, avaient été alors épargnées par ces mesures sanitaires lors des précédentes suspensions de récolte et de commercialisation, car ne présentant pas de traces de toxines pouvant provoquer des troubles digestifs sévères, la prédation des daurades, cette année, a eu un impact considérable sur les tables de tous les élevages. Aussi le dernier arrêté de la préfecture a-t-il été vécu par la profession comme le coup de grâce. Et pour cause : tous les coquillages en provenance de ce bassin, et commercialisés depuis le 15 décembre, ont dû être retirés de la vente.
Si pour les ostréiculteurs faisant de la dégustation, la perte en chiffres d'affaires n'est pas conséquente, tel n'est pas le cas pour ceux qui commercialisent leur production sur les marchés, ainsi que pour les mareyeurs. "Pour ces derniers, c'est véritablement une catastrophe, car ce sont des tonnes d'huîtres qui vont partir à la benne, sans compter les investissements qu'ils ont fait dans la logistique (emballage, expédition, destruction des emballages et reprise des invendus, temps de travail et frais de transport supplémentaires...)", relève Laurent Arcella, ostréiculteur à Loupian et secrétaire du bureau du Comité régional de conchyliculture de Méditerranée (CRCM).
Pour l'ensemble de la profession, le préjudice minimum total estimé est de 6,7 millions d'euros, selon les réponses données par 171 entreprises ostréicoles (qui représentent la moitié des tables) sur les 500 du bassin de Thau. Mais le véritable enjeu, pour l'heure, est que le norovirus est toujours présent dans les stations d'épuration de l'agglomération sétoise. Autrement dit, les ostréiculteurs ne sont pas à l'origine de la pollution du milieu.
L'arrêté de la préfecture ne disait pas autre chose lorsqu'il mentionnait que "les coquillages filtreurs peuvent être contaminés par ce virus lorsque celui-ci est présent dans leur milieu de vie. Il est fort probable que l'épisode pluvieux particulièrement intense survenu le 15 décembre ait entraîné la contamination du milieu". Des pluies qui ont favorisé le déversement dans le bassin d'eaux usées brutes, non correctement traitées. Et le préfet de l'Hérault, Hugues Moutouh, de déclarer au micro de France Bleu Hérault, le 13 jan- vier dernier, que pour que cela ne se reproduise pas, "il y a un travail en amont à faire, un travail engagé par Sète agglopôle Méditerranée depuis un certain nombre d'années sur la modernisation d'installations pour éviter que les débordements d'eaux pluviales ne viennent favoriser l'arrivée d'eaux polluées dans le bassin".
Or, ces débordements ne datent pas d'hier, ainsi que le rappelait Patrice Lafont, président du CRCM, lors d'une assemblée extraordinaire, organisée le 12 janvier, au lendemain d'une réunion entre tous les acteurs (professionnels, collectivités, banques, mutuelles...) pour définir les dispositifs de soutien financiers dont pourraient bénéficier les conchyliculteurs.
Selon le bulletin officiel de Thau Maritima, du 8 novembre au 15 dé- cembre 2022, 33 000 m3 d'eaux brutes ont été déversés principalement dans le Canal royal de Sète. "Nous avons aussi eu connaissance d'autres déversements qui n'ont pas été recensés. Est-ce que le norovirus est dedans ? On n'en sait rien. Combien de temps sont traitées ces eaux dans les stations d'épuration et de quelle façon ? On n'en sait rien. Nous avons besoin de réponses et de faire avancer les choses. Aussi avons-nous décidé d'attaquer en justice contre un tiers sur la base de ces bulletins", souligne-t-il.
Et, pour donner le "la" et médiatiser la démarche, peu avant la réunion, un dépôt de plainte symbolique à la brigade de gendarmerie de Mèze était réalisé devant les caméras et la presse.
Toutefois, comme le CRCM ne peut pas porter plainte en son nom du fait de ses statuts, Patrice Lafont a donc proposé que chaque ostréiculteur porte plainte, et que toutes celles-ci soient rassemblées par le comité régional, puis envoyées en courrier recommandé au tribunal judiciaire de Montpellier. Le dilemme est, selon lui, le suivant : "Soit, on agit en portant plainte contre la Communauté d'agglomération du bassin de Thau, la société Thau Maritima et contre X pour pollution des eaux, soit, l'an prochain, vous ne pourrez pas faire Noël." La pollution du bassin et les manquements quant à son bon entretien constitueraient, selon le comité régional, une infraction au Code de l'environnement. Ces plaintes ont été envoyées ce vendredi.
Pour mener à bien cette action, le CRCM va pouvoir compter sur l'appui de l'avocat du Comité national de la conchyliculture (CNC), qui intervient déjà dans deux dossiers similaires portés par les Comités régionaux de conchyliculture de Bretagne et de Normandie. Si les services de cet avocat et la multiplication des plaintes permettront de constituer un dossier solide, le président du CRCM ne se fait pas d'illusions sur son traitement en justice : "Cela prendra des années avant qu'un jugement ne soit rendu. Mais nous avons connaissance de tous les éléments qui ont mené à la pollution de l'étang. Cela peut permettre d'accélérer l'enquête."
Il n'empêche. Les ostréiculteurs doivent s'attendre à plusieurs années de procédure, ce qui aura également un coût. Le CNC devrait prendre en charge 50 % des frais, le reste étant à la charge du CRCM. "La contribution pourrait se faire sous la forme d'une contribution volontaire obligatoire spécifique, que nous vous proposerons, une fois le budget de la défense juridique définie", ajoute-t-il. La plainte permettra aussi de montrer aux consommateurs que les ostréiculteurs sont des victimes dans cette affaire, de quoi couper court aux propos calomnieux qui courent sur les réseaux sociaux.
Et pour continuer à se défendre, le CRCM a proposé aux ostréiculteurs de mener des actions de mobilisation, "mais sans déranger les consommateurs sur les routes et sans rien casser", insiste le président. "On ne peut pas attendre que ça se passe. On doit se poser la question si, dans les jours qui viennent, il ne faudrait pas bouger, ainsi que dans les mois qui vont suivre", interpelle le secrétaire du CRCM. En guise de réponse, une dizaine d'ostréiculteurs sont allés déverser des huîtres devant le siège de l'agglomération sétoise dans la foulée de l'assemblée extraordinaire. Le CRCM, quant à lui, aura une prochaine réunion, courant février, en présence de la sous-préfète pour faire un point sur les dispositifs mis en place en soutien de la filière.
sessionde la chambre d'agriculture
FDSEA 84
Publiez facilement vos annonces légales dans toute la France.
Grâce à notre réseau de journaux partenaires.
Attestation immédiate, service 24h/24, 7 jours/7
Chaque semaine, retrouvez toute l'actualité de votre département, des infos techniques et pratiques pour vous accompagner au quotidien...
Découvrez toutes nos formulesInscrivez-vous GRATUITEMENT à nos newsletters pour ne rien rater de notre actualité !
S'abonner