L'installation du comité plénier de Vaucluse pour la prévention du mal-être et l'accompagnement des agriculteurs et des salariés agricoles s'est déroulée la semaine dernière. Un aboutissement et un point de départ pour toutes les parties prenantes mobilisées depuis la parution de la feuille de route gouvernementale du 23 novembre 2021, prévoyant la mise en place, dans tous les départements, d'une cellule dédiée à la question du mal-être agricole avant fin 2022. "Cette feuille de route vise à mettre en œuvre une approche plus coordonnée entre tous les acteurs, plus territorialisée, plus individualisée pour accompagner tous les agriculteurs qui en ont besoin", précisait le ministre de l'Agriculture d'alors, Julien Denormandie.

En installant le comité en Vaucluse, la préfète, Violaine Demaret, a insisté sur la nécessité d'un tel organisme : "Oui, il y a des risques en agriculture, des difficultés qui peuvent engendrer un mal-être. Il est nécessaire d'être à l'écoute, car il y a encore une méconnaissance de la réalité du quotidien des agriculteurs. Il faut changer les regards et améliorer les échanges".

Un enjeu de santé publique

La présidente de la MSA et du comité plénier, Marie-Claude Salignon, rappelait l'importance du rôle que chacun des partenaires devait avoir : "Nous avons tous mis en place des dispositifs plus ou moins connus et efficaces sur le sujet. Il nous apparaît à tous insupportable qu'une personne issue du monde agricole, agriculteur, salarié, membre de la famille, ait 30 % de risque supplémentaire d'être confrontée au suicide. En tant qu'organisme de protection sociale du monde agricole, il est dans l'ADN de la MSA d'être le fer de lance sur la question du mal-être agricole. Enjeu de santé publique, il est également bien souvent lié à des difficultés économiques et sociales, autant de champs sur lesquels la MSA peut agir". D'autant que le Vaucluse n'est évidemment pas épargné, comme le précise le docteur Florence Didier, de l'Agence régionale de santé : les indicateurs de suivi des suicides ont relevé 76 décès chaque année entre 2013 et 2017. Et les tentatives de suicide, suivies d'une hospitalisation, dans la population agricole "en France sont de 1,10 pour mille, et de 0,63 pour mille en Vaucluse".

Ce comité a donc pour but d'être la plateforme centrale d'écoute et d'action. Mais il peut s'appuyer sur des dispositifs de prévention et de suivi existants, à l'image de ceux gérés par la MSA. En lien avec le 31 14, numéro national de prévention du suicide mis en place par le ministère de la Santé, le service 'Agri'écoute' - qui reçoit en moyenne 300 appels par mois - est composé de psychologues, tout ouïe 7 jours/7 pour aider les agriculteurs en détresse. Ils sont joignables pour dialoguer anonymement, 24 heures/24 au 09 69 39 29 19 ou via une plateforme de discussion en ligne : https://agriecoute.fr. "Les psychologues cliniciens d'Agri'écoute peuvent, selon les situations, contacter directement les référents des 35 cellules de prévention MSA, pour initier un accompagnement et un suivi des adhérents dans la durée", note Élric Hell, responsable du sujet à la MSA Alpes-Provence. À ce dispositif, s'a- joute le programme 'VigilanS', qui permet le suivi de personnes ayant déjà fait une tentative de suicide.

La MSA a également mis en place des cellules pluridisciplinaires de prévention où, là encore, l'écoute des situations de détresse est privilégiée, avec le souci de développer un réseau d'aides et d'accompagnement adapté, possible grâce au guichet unique de la MSA : "Ainsi dans ces cellules, en 2020, 1 655 situations ont été détectées (1 796 en 2019). Parmi elles, 1 479 ont nécessité un accompagnement des services MSA, contre 1 395 en 2019. Depuis 2012, plus de 7 000 situations ont ainsi été accompagnées", résume Élric Hell. La MSA propose aussi l'aide au répit pour prévenir l'épuisement professionnel, et la prévention des risques psychosociaux, avec une approche centrée sur le travail.

La peur du 'qu'en dira-t-on'

La MSA assure également l'animation et la formation du 'Réseau Sentinelles', présent sur tout le territoire, "un réseau composé de bénévoles et de professionnels volontaires, dont la mission est de repérer et orienter les agriculteurs, salariés et non-salariés agricoles, en situation de mal-être". Dans la salle, une voix s'élève pour faire remarquer que "les chefs d'exploitation, s'ils ont un problème, n'en parleront pas. Par fierté, par pudeur, par peur du 'qu'en dira-t-on'". Un directeur de cave confirme : "J'ai 28 ans de présence dans une cave coopérative. Je sais, par expérience, que les gens n'osent pas demander d'aides financières s'ils sont en difficultés. On peut pourtant les aider avec des acomptes, mais ils n'en parlent pas".

En écho, Audrey Piazza, présidente des Jeunes agriculteurs de Vaucluse, plaide pour mener dans les prochaines semaines "une présentation de ces dispositifs lors d'une réunion de notre syndicat. Nous sommes fréquemment au contact des agriculteurs et nous pouvons, nous aussi, devenir des sentinelles".

Autre outil, la cellule 'Réagir' de la Chambre d'agriculture, qui traite actuellement "entre 20 et 50 dossiers par an", avec "des personnes en difficulté qui nous contactent pour un entretien basé sur la confiance et la confidentialité", rapporte Pascal Invernon, conseiller d'entreprise 'Prévention difficultés financières', de la Chambre. De son côté, François Gorieu, directeur de la DDT, rappelle "que des aides financières peuvent être octroyées pour les exploitations en difficulté structurelle, avec l'accompagnement des exploitants, dans la continuité des dispositifs Agridiff".

Alexandra Bedogni, de Solidarité paysan Provence Alpes - association qui défend et soutient les agriculteurs en difficulté - relève que leurs actions, "axées sur le dialogue et la recherche de solutions, ont débouché sur l'accompagnement de 350 familles". Enfin, Nathalie Roux, du Service de remplacement de Vaucluse¹ rappelait que la structure était aussi pour là pour soutenir les agriculteurs et les remplacer "en cas de maladie, accident, vacances pour assurer la continuité de l'exploitation".

En conclusion, Corinne Garreau, directrice générale de la MSA Alpes-Vaucluse, confirme l'importance de faire connaître les dispositifs existants localement : "Il faut de la communication sur cette feuille de route", rappelant la nécessité de travailler "activement sur la formation des sentinelles", afin de leur donner "les clés pour savoir à qui s'adresser dans les divers dispositifs existants".