Vaucluse 14/09/2023
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Lauris

Le chanvre à CBD, une culture qui ne s'improvise pas

En quête de sens après une autre vie professionnelle, Guillaume Guieu se lance dans l'agriculture en 2017 chez un producteur de chanvre. En 2019, il monte Cannacie, sa propre exploitation à Lauris. Un néo-paysan heureux et engagé pour le changement de réglementation autour du CBD.

Guillaume Giueu dans une des parcelles de son exploitation Cannacie.

© Crédit photo : ML

C'est la remise en question qui a mis Guillaume Guieu sur la voie de l'agriculture. Après plusieurs années passées dans le commerce en téléphonie, le trentenaire a eu besoin de faire le point. "Dans ma famille, il y a eu des maladies. On entendait déjà parler des potentielles vertus thérapeutiques du CBD", raconte-t-il. C'est ce qui le pousse à s'intéresser au sujet. Travaillant sur lui, il décide finalement de rejoindre une exploitation où l'on cultive du chanvre, en 2017.

Le CBD, cannabidiol, est un composé organique présent dans le chanvre. Il est extrait de variétés de cannabis au taux de THC (delta-9-tétrahydrocannabinol) très faible. En France, il ne peut être au-dessus de 0,3 %. "Il reste de la confusion, raison pour laquelle nous utilisons le mot chanvre pour parler de ces variétés de cannabis non psychotropes", explique-t-il.

Guillaume cultive des variétés féminisées de chanvre, plus chères mais idéales pour la culture des fleurs : "90 % des plants sont des femelles et le restant mâle doit être castré, pour éviter que les plantes ne grainent. J'ai différentes variétés, car les profils et usages sont différents". Il se fournit chez France Botanique Services, seule structure autorisée à vendre les graines féminisées dans l'Hexagone.

"J'ai commencé avec 1 300 m². C'est une production à forte valeur ajoutée, ça me paraissait bien pour débuter. Aujourd'hui, Cannacie c'est 2,3 hectares 100 % bio", ajoute l'agriculteur. Il conseille cependant de se lancer dans une culture de diversification, plutôt qu'une exploitation dédiée à la production de chanvre, comme lui.

Une technicité à maîtriser... après la parcelle !

Bien que Guillaume ait parfois eu quelques déconvenues dans la production, il estime que la technicité vient après, "notamment au niveau du séchage et de la transformation. On a des personnes qui plantent, le chanvre pousse tout seul. Mais après, ils vont au casse-pipe. À cause d'un mauvais séchage la plante moisit, la manucure (le nettoyage de la fleur, ndlr) est mal faite...", énumère-t-il.

Aujourd'hui, il propose à ceux qui souhaitent se lancer des formations et un accompagnement, afin d'atténuer les déboires du débutant. Depuis le début de l'année, cinq sessions avec la Chambre d'agriculture de Vaucluse ont réuni près de 150 personnes. Une formation a également été réalisée avec l'Association pour le développement de l'emploi agricole et rural des Bouches-du-Rhône (ADEAR 13).

Depuis 2019, il s'est professionnalisé : il a notamment investi dans une machine pour aider à la manucure des fleurs, permettant d'aller plus vite, le faire à la main équivalant à environ 20 heures de travail par kilogramme. Machine qu'il met en location, estimant que la mise en commun du matériel permettrait d'avancer sur le développement d'une filière locale. Pour le séchage et la transformation, il fait également tout dans son local, à Lauris, et un laboratoire, qu'il loue pour l'extraction.

Pour lui qui a commencé tout seul, l'heure est au développement. Pendant les six semaines de la récolte, une douzaine de saisonniers l'accompagnent désormais. En septembre, deux salariés le rejoignent pour former, avec lui, une équipe à plein temps. Le premier pour la production agricole, et le second pour l'aspect commercial à ne pas négliger.

"Ce qui est important, c'est de réfléchir aux débouchés. Tout le monde peut faire de la tisane ou de l'huile, reste à trouver sa part de marché", note l'agriculteur. S'il en propose, sa gamme se compose également de fleurs, résines, miels ou encore huile de massage. Pour lui, cultiver du chanvre à CBD n'a rien d'une culture à la rentabilité magique. Sans étude du marché ni recherche de véritables débouchés au préalable, inutile de planter.

Se mobiliser pour faire changer la réglementation

D'expérience, il conseille également - pour des raisons de sécurité - de déclarer la culture en mairie et aux forces de l'ordre. Une nécessité pour éviter la confusion à la vue des champs, et aller plus vite en cas de vols. "L'année dernière, on a perdu quasiment un quart de la production. Ils ont volé environ 400 pieds, mais en avaient coupé 3 000 à 4 000", déplore-t-il

Autant de conseils qu'il donne également en sa qualité de vice-président de l'Association française des producteurs de cannabinoïdes (AFPC), depuis 2021. "L'idée n'est pas de réunir tous les producteurs de chanvre, mais ceux de cannabinoïdes. Nous avons des problématiques particulières et devons peser plus au niveau juridique, tout en échangeant pour monter en compétence", affirme Guillaume Guieu.

L'association est accompagnée d'un lobbyiste, ce qui permet d'avancer au niveau réglementaire. Ainsi le Conseil d'État a-t-il annulé l'arrêté du 30 décembre 2021 interdisant la vente des fleurs et feuilles. Le combat ne s'arrête pas là : "Nous sommes face à une concurrence déloyale avec la limitation à 0,3 % du taux de THC. Nous demandons de remonter à 1 %, comme en Suisse ou en République tchèque, ce qui permettrait d'être à égalité, et de monter en compétitivité au niveau de l'extraction", milite l'agriculteur.

Pour le moment, les retours tournent autour du fait que "la demande est entendable", mais la mise en place d'une telle modification prendra du temps. "Nous demandons également de sortir du catalogue variétal actuel ou, a minima, de faciliter l'enregistrement de nouvelles variétés." L'agriculteur espère aussi voir la mentalité changer quant à ce que l'on trouve dans les boutiques vendant du CBD : "Le 'made in France' coûte plus cher, mais le CBD n'est pas coupé et la qualité est incomparable".

Reste pour le moment à poursuivre la production dans la légalité, tout en se regroupant. Mieux communiquer sur les produits par le biais d'intermédiaire, former des Cuma, échanger des retours d'expériences... Il y a beaucoup à faire. Guillaume s'investit au maximum, comptant sur l'arrivée de ses deux salariés pour alléger son temps de travail : "Le chanvre n'est pas un eldorado : il faut travailler dur et réfléchir à ce que l'on veut faire"

Manon Lallemand •

Les CHIFFRES clés-

2,3 hectares de chanvre bio

Environ 12 000 plants en 2023

3 salariés (dont Guillaume) à partir de septembre

12 saisonniers lors de la récolte

1 hangar de séchage/stockage

Plus de 20 produits à base de chanvre : fleurs, huiles, miels, tisanes, résines...

Manon Lallemand •

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