Malgré le ciel plombé, la chaleur moite, et l'orage annoncé, la foule massée sur le parvis de la cathédrale, où vient d'être célébrée la messe des vignerons, attend, smartphone en mains, la sortie des confréries bachiques et leurs bannières colorées. À leur sortie, le cortège gravit le mamelon en procession, dans une ambiance joyeuse et conviviale, à la suite d'André Gabriel, qui fait tinter une fois encore - depuis 23 ans - les cloches du carillon des Côtes-du-Rhône. 

Dès l'arrivée, le sympathique quatuor de vignerons de St-Roman-de-Malegarde attire tous les regards. Gilles, Éric, Franck et Nicolas s'affairent auprès du pressoir. Ils déversent sous les regards curieux des badauds les grappes charnues de grenache, de chardonnay et de viognier. Bientôt va couler le jus de raisin frais. Il faudra jouer des coudes pour arriver à déguster la fameuse pressée, tant attendue, du 27^e Ban des vendanges.  

Le raisin est bon pour la vendange

Le rite immuable du ban est imminent. Devant le grand podium, le monde se presse pour assister à sa proclamation dans plusieurs langues. Les confréries bachiques sont là, les personnalités aussi. Chacun goûte les raisins et donne son avis. Peut-on vendanger, ou pas ? Le président des Compagnons, David Bérard, demande aux personnalités de se prononcer. Les avis des responsables viticoles, Philippe Faure, Philippe Pellaton, de la présidente des JA, Audrey Piazza, de la présidente de la Chambre d'agriculture Georgia Lambertin, des vignerons Franck Alexandre, Christophe Charransol, le directeur du Palais du Vin Pierre Saysset, Christian Mounier, sont unanimes : le raisin est bon pour la vendange. Même l'archevêque d'Avignon, François Fonlupt, et la préfète Violaine Démaret ont acquiescé. Cette dernière confessant : "J'ai fait quatre heures de route pour être présente ce soir. Je ne manquerais cet événement pour rien au monde". Claude Tummino, représentant la maire d'Avignon, absente, déclare : "Le raisin est parfait. J'ai hâte de le retrouver en bouteille !". Sébastien Clément, président du syndicat des vignerons du Grand Duché de Châteauneuf-de-Gadagne, présente le terroir du Côtes du Rhône villages Gadagne retenu cette année pour régaler les convives : "C'est un terroir de galets roulés qui produit des vins tout en fraîcheur et en gourmandise".

Le soir tombe, sans fraîcheur, la foule se disperse sur l'esplanade pour dîner. Les bouchons des bouteilles de Gadagne sautent. La joie est partout. Sur la terrasse les cuistots de l'Étable montilienne font rôtir et braiser des jambons odorants. Sous les chapiteaux blancs les plats cuisinés s'arrachent : brouillade à la truffe, tielles, huîtres, fromages, hamburger provençal, charcuteries et les compagnons des Taste-fougasses menés par son fondateur André Boyer, présents pour la première fois, connaissent un succès fou. 

L'une des dernières nuits d'été

Parmi les pique-niqueurs d'un soir, Antonio venu de Villeneuve, n'en revient pas : "Ce rosé léger, au prix abordable, se boit presque trop facilement". Stéphanie de Vaison : "Je n'étais pas venue depuis des années. C'est devenu une fête magnifique d'une grande ampleur". Un groupe de Vauclusiens déguste le blanc Gadagne, bien frais : "Il est sec, agréable, long en bouche, avec la roussane qui amène cette couleur or que j'aime beaucoup. Je le dégusterai avec des huîtres, un poisson grillé et un fromage de chèvre" confie, volubile, le célèbre Benoît, personnalité avignonnaise, longtemps propriétaire du bar-tabac le Tom Tip, quartier général de Jean Alesi. Son compère Pierre n'est pas en reste : "Cela fait quarante ans que je déguste du Gadagne. C'est merveilleux. Mais je suis plutôt rouge et rosé. Je bois du blanc ce soir pour faire plaisir à Benoît".  Les bras chargés de mets alléchants Mathilde et Cécile ont aussi opté pour le blanc : "Il est sec et nous convient bien ! On se régale".

La pluie ne viendra que tard au petit matin, arrosant généreusement en douceur les vignobles. Après les ripailles, la fête s'est poursuivie, en musique, dans la douceur bienfaisante de l'une des dernières nuits d'été.