Beaumes-de-Venise
2023 est la soixantième vendange d'Alain Ignace. Bien que retraité et ayant cédé autour de 95 % de son domaine à sa fille Patricia, il continue de s'occuper de trois hectares et de vinifier une dizaine de vins différents, selon les millésimes. Par amour de la vigne. Par amour du métier.
Alain Ignace, viticulteur à Beaumes-de-Venise, ramassait son muscat petit grain rouge vendredi 25 août.
© Crédit photo : ML
Après une série de plusieurs jours caniculaires, Alain Ignace profite d'un léger rafraîchissement avant la pluie du week-end. Après avoir ramassé son muscat petits grains blancs, il attaque la variété rouge. En 2023, c'est la soixantième fois qu'il vendange. Pour lui qui a commencé à y travailler à 15 ans, la vigne est une histoire de famille. "C'est mon grand-père qui a créé le vignoble en 1902. Puis il y a eu un domaine pour son fils et un pour ma tante. Et après moi, il y a ma fille Patricia et la cinquième génération arrive avec ma petite-fille Manea", liste le vigneron.
Alain est retraité. Autour de ses 50 ans, sa fille émet le souhaite de s'installer après une autre vie professionnelle. Alors qu'il pensait construire un peu au-dessus de son vignoble, c'est l'occasion parfaite. Il cède à sa fille la maison de famille et avec, environ 40 hectares de ses propres vignes.
"À ce moment-là, j'étais président de la cave coopérative de Beaumes, j'avais des responsabilités à l'Inao et à Inter Rhône... Je n'étais dans les vignes que le week-end", explique-t-il. La transmission lui a permis de conserver pour lui environ trois hectares, de quoi se concentrer sur ses diverses missions. En 2010, il lâche la présidence de la cave. "Je me suis replié en ermite pour me consacrer à mon vignoble. Aujourd'hui, même à la retraite, ma passion reste la vigne, la vinification et la commercialisation des vins", poursuit-il.
Parmi les vignes qu'il a gardées, plusieurs appellations sont encore produites : du Vacqueyras, du Beaumes de Venise et du muscat de Beaumes. Vins de France et eaux de vie complètent la gamme. Mais avant d'en arriver aux bouteilles, il a à cœur de passer du temps dans les vignes.
Quelques parcelles exceptionnelles témoignent encore d'un brin de tradition sur le territoire. Alain Ignace fait effectivement parti des rares à encore cultiver du muscat petits grains rouges. Ils ne sont plus qu'une poignée à en produire à Beaumes-de-Venise. "Les plus gros, ce sont les Berdardins qui produisent grâce à ce cépage des muscats ambrés depuis leurs débuts, autour de 1945 ! Ce sont un peu les gardiens du temple du muscat petits grains rouges. Sans eux, il n'y en aurait plus", estime le vigneron.
De son côté, il le cultive avec attention depuis 2003, même s'il convient que la production reste marginale : "Je sors peu de bouteilles, car les gens ne connaissent pas. Soit il y a des sceptiques qui ne tentent pas, soit il y a les curieux, mais qui reviennent ensuite au muscat blanc". Pour cette raison, il a accepté d'être un des vignerons présentés par la pièce Anthocyane qui se déroulait lors du Festival Off d'Avignon 2023.
Selon lui, l'idée de l'auteur est bonne et reste à développer, en se rapprochant des coopératives, actrices inextricablement liées au paysage viticole vauclusien. Il imagine également assez aisément des représentations au vignoble.
Il faut dire que pour Alain Ignace, la dimension de partage est une valeur intrinsèque du vin. "C'est du partage, ça mène à la fraternité. C'est souvent autour d'une table qu'on se laisse aller et que les langues se délient", note-t-il. Pour que ses vins puissent ainsi contribuer à cette mission il travaille avec des restaurants. "Ce sont des partenaires, pas des clients", précise le vigneron. Ses vins sont présentés aux clients qui viennent ensuite plus facilement au vignoble. Dans le sens inverses, il recommande sans aucune mesure les restaurants, dans lesquels il place toute sa confiance.
Une confiance quant à la qualité des produits tant qu'à celle de l'accueil. Deux valeurs qu'il n'a de cesse de mettre en avant. Il aime d'ailleurs particulièrement échanger avec les consommateurs. "Il y a de plus en plus de demande pour la découverte des accords mets et vins. Les consommateurs sont toujours là et à la recherche d'une meilleure connaissance du vin". Selon lui, la déconsommation qui va continuer de se faire va nécessairement impacter les appellations à gros volumes, il faudra donc continuer à s'adapter.
Il continue toutefois de voir le potentiel du muscat, une niche pour laquelle il ne s'inquiète pas : "C'est un produit formidable qui était perçu comme le vin des dames à l'époque, mais aujourd'hui il intéresse les jeunes car il est sucré. Je suis convaincu qu'après cinq ou six années mitigées, nous sommes en train de repartir". Alors il s'applique dans la récolte pour que le vin soit équilibré.
Dans certaines de ses parcelles, il fait des tests. Son muscat petits grains est par exemple planté serré afin de conserver une ombre portée bénéfique pour la vigne. Il laisse également un enherbement qu'il couche par moment, mais ne broie qu'avant les vendanges. Il n'irrigue pas, ne travaille pas le sol... "Il y a 20 ans on combattait ce qu'on appelait la mauvaise herbe. Ça paraissait plus propre. Aujourd'hui les gens comprennent mieux", note-t-il.
"Mon grand-père me disait, 'le vin se fait à la vigne', si le raisin n'est pas bon, tu pourras mettre le meilleur œnologue du monde, ça ne sera pas bon pour autant", affirme Alain Ignace. Alors il mise sur la qualité et rien que la qualité, prend soin de ses vignes et de ses sols.
Il se souvient avoir une fois gardé toutes ses variétés de raisins dans des coffrets qu'il avait fait parvenir aux sommeliers. "Ils étaient contents, ce n'est pas souvent qu'ils reçoivent les raisins, d'habitude ils sont déjà mis en bouteille ! Mais il faut communiquer sur le raisin autant que le vin, quand c'est bon, pourquoi le cacher ?", interroge-t-il, l'œil malicieux sous son chapeau.
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