Vaucluse 10/03/2023
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Pernes-les-Fontaines

L'agriculture, un métier de poker qui en vaut la peine

Au Grand Saint Hilaire, l'affaire est familiale. Clément Lauzier est la quatrième génération et, s'il est sur l'exploitation depuis six ans, c'est bien l'année prochaine qu'il s'installera officiellement. Alors que la saison de la fraise commence, il ouvre la porte de ses serres. Tour du propriétaire.

L'exploitation du Grand Saint Hilaire fêtera bientôt ses 90 ans ! Une histoire de famille qui se perpétue donc depuis 1935. Si, actuellement, la gérante reste Michèle Lauzier, la retraite arrive doucement et son fils, Clément, devrait prendre la relève en s'installant d'ici un an.

Arrivé sur l'exploitation il y a six ans après le décès de son père, l'ancien boucher d'aujourd'hui 27 ans se rappelle encore pourquoi il n'a pas pris la suite immédiatement après ses études : "Mon père me disait toujours que, pour être paysan, il fallait d'abord être ingénieur agronome. Les études ne m'intéressaient pas, j'ai rapidement changé de branche".

Il avoue désormais que les compétences acquises lui auraient été d'une aide précieuse, mais ne s'estime pas lésé pour autant : "On travaille avec le vivant, c'est joli à travailler. On apprend tous les jours, c'est un métier que je conseille à tout le monde, même si c'est certain qu'il faut un sacré caractère pour tenir" ! S'il aimait son premier métier d'artisan boucher, c'est finalement sans regret qu'il s'apprête à reprendre officiellement les rênes de l'exploitation.

Petit fruit, grandes exigences

Et pour tenir, il a tenu ! Si sa mère s'occupe principalement de toute la gestion administrative de la structure, c'est bien lui qui s'occupe de la partie production. Chez lui, on fait du melon, de la salade, parfois un peu de courges mais, à l'instant, place aux fraises.

"Le 15 mars, on devrait commencer à ramasser les premières clérys jusqu'à fin juin, voire début juillet ; et, le 15 avril, ce sera les muranos, probablement jusqu'à novembre. C'est le climat qui nous dira si l'on peut étaler un peu la production ou pas", explique l'agriculteur. Pour cela, les plantations ont été faites autour du 15 août pour les premières, mi-décembre pour les secondes.

Tout est une question de timing. De même pour les auxiliaires qu'il s'apprête à lâcher sous les bâches. "L'idée est de diminuer l'utilisation de produits phytosanitaires. Le bio en hors-sol, ce n'est pas possible, d'autant que le marché est plus tendu en ce moment", précise Clément Lauzier. L'exploitation est en lutte intégrée depuis 1982. La démarche lui tient à cœur, conscient des efforts nécessaires pour privilégier à la fois la qualité et la biodiversité. Dans ses serres, les fruits rougissent et les bourdons s'activent : ça sent le printemps !

Il faut cependant se méfier : les pluies rendent parfois l'hygrométrie plus difficile à gérer sous les serres, qui nécessitent une bonne ventilation. Il reconnaît cependant que sous ses serres, non chauffées pour coller au maximum avec les saisons, les conditions de travail sont un peu moins aléatoires que pour certaines cultures ou le 100 % plein champ. "Les fruits sont un peu mieux protégés du gel et surtout du vent. Et puis, en été, il faut bien admettre qu'il est difficile de produire autre chose que de la fraise."

Il n'y aura toutefois pas de plein champ cette année sur l'exploitation du Grand Saint Hilaire. Bien qu'il y tienne, en particulier pour la vente directe - qui reprendra bientôt tous les jours de la semaine -, les terres réclament trois années de repos après récolte, et la rotation se trouve donc limitée pour 2023. Les fraises sont donc exceptionnellement toutes sous serre, en hors-sol ou en pleine terre.

S'engager pour protéger un savoir-faire

Mais avec le lancement de saison qui se profile, le constat reste le même : sous serre, le manque de bras est flagrant. "J'ai un collègue suisse qui m'avait dit que les Français devenaient comme eux, à ne plus vouloir travailler que dans des banques ou des postes à hautes responsabilités", raconte Clément.

Si la plaisanterie prête à sourire, l'agriculteur confirme la difficulté à recruter : "Les Français ne sont pas motivés, pourtant il y a le salaire. Aujourd'hui, la seule solution qu'on a trouvée, ce sont les salariés OFII, mais ça reste délicat : en plus des problèmes de fonctionnement de la plateforme dématérialisée, ils doivent rester chez nous six mois et être chez eux autant de temps. Le Covid a créé un décalage qu'on n'arrive pas à rattraper encore maintenant".

À cela s'ajoute une mévente par rapport aux produits venus tout droit d'Espagne. "Et encore, ça concerne plus les melons que les fraises en général. Mais, cette année, nos prix ne sont pas compétitifs à cause de l'inflation. Et on ne sait même pas si on parviendra à tout répercuter avec les centrales d'achat. J'ai beau porter à un expéditeur le plus gros de ma récolte, eux non plus ne savent pas quoi faire. On est tous pris à la gorge", soupire Clément Lauzier.

Président du canton de Pernes des Jeunes agriculteurs, ce sont aussi toutes ces difficultés qui l'ont poussé à s'engager. De retour du Salon international de l'agriculture, il a espoir d'obtenir un retour quant aux échanges que le syndicat a pu avoir avec les nombreux élus de passage. "Quand on voit que toutes les filières sont en difficulté, il faut qu'on trouve des solutions. Être agriculteur est un beau métier. Mais il faut de la passion, car c'est un peu comme le poker : on sait ce qu'on pose sur la table, jamais ce qu'on récupère".

Sa passion, il essaie désormais de la transmettre à un apprenti en BTSA 'Machinisme agricole' du lycée La Ricarde de l'Isle-sur-la-Sorgue. Il vient principalement en aide sur la maintenance des machines et leur utilisation en saison. "Il y avait un besoin sur l'exploitation. Mais l'idée est de transmettre un savoir-faire, surtout qu'au lycée agricole, ils ont plus l'habitude de travailler pour les grandes cultures. Le maraîchage est très différent, même s'il s'est bien mécanisé ces dernières années", développe Clément Lauzier.

Alors que les premières fraises seront disponibles à la vente directe dans les prochains jours, l'exploitation a parallèlement lancé la plantation des melons la semaine dernière. Ils devraient s'inviter sur les étals à la mi-mai. 

Manon Lallemand •

Les CHIFFRES clés

4 générations depuis 1935

Environ 20 hectares de terres dont 6 ha travaillés

Autour de 20 serres

3 productions principales : la fraise, le melon, la salade

2 permanents : Clément et Michèle, sa mère

1 apprenti à partir de cette année

8 saisonniers OFII en saison, 2 à 4 en hiver

Manon Lallemand •

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