amande
La filière de l'amande se développe fortement, et de nombreux producteurs sont tentés de planter pour produire en agriculture biologique, pour une meilleure valorisation économique, ou par choix. Mais la guêpe de l'amandier est aujourd'hui un ravageur spécialiste, pouvant compromettre la production, avec potentiellement plus de 80 % de dégâts, si rien n'est fait.
La dynamique de la filière amande bio est actuellement freinée par une petite guêpe qui fait de gros dégâts en production : Eurytoma amygdali.
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Lors de la rencontre 'Fruits en agriculture biologique' - orchestrée par le Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) et l'Institut de l'agriculture et de l'alimentation biologiques (Itab), en mars dernier sur le centre de Balandran - François Warlop, du Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab) et Jean-Philippe Rouvier, du GRCeta de Basse-Durance, ont fait un point sur les dernières connaissances relatives à la guêpe de l'amandier, Eurytoma amygdali.
Cette guêpe présente une génération par an, mais surtout une fenêtre de vol très courte - de fin mars à fin avril en général - qui entraîne des difficultés de lutte, notamment au niveau du ciblage des interventions. "Aujourd'hui, les difficultés en production sont importantes", résume François Warlop. En effet, les deux options utilisables actuellement ne sont pas pleinement satisfaisantes. Le Spinosad - à ce jour la matière active la plus efficace - n'est utilisé que par dérogation, accordée annuellement. Mais les deux traitements autorisés en période de vol sont toxiques pour les pollinisateurs, et insuffisants pour couvrir la saison. Autre option, les filets insect-proof sont certes efficaces, mais assez peu adaptés aux vergers d'amandiers traditionnels, "sauf à re-concevoir la forme du verger dans son intégralité, même si on commence à voir des filets mono-rang en production", précise le spécialiste du Grab.
"Un des points clés est le suivi de l'émergence, avec une précision qui doit être forte, car les solutions utilisables ne sont guère rémanentes", poursuit Jean-Philippe Rouvier. Pour bien caler la fenêtre de l'émergence, trois points sont à scruter. D'une part, le début de l'émergence pour positionner le 1er traitement. D'autre part, l'étalement et la durée de cette émergence, "pour savoir s'il faudra renouveler les interventions". Enfin, le pic d'émergence lui-même, "pour ne pas laisser de trou dans la raquette".
Pour le suivi, heureusement, les arboriculteurs peuvent s'appuyer sur un protocole éprouvé. Pour cela, il suffit d'une bouteille de lait opaque (pour ne pas faire augmenter la température dans la bouteille) dans laquelle un trou a été percé, afin d'introduire un tube translucide permettant de capturer les premiers individus. À l'intérieur : 50 amandes parasitées par bouteille, récoltées si possible dans la parcelle ou à proximité, juste avant la mise en place du piège. "Ce piège doit être déposé avant la mi-mars, pour ne pas rater le début du vol", précise le spécialiste du GRCeta. Ensuite, il est important de procéder à un relevé des pièges deux à trois fois par semaine, et de faire un suivi à l'échelle de la parcelle, "car la courbe de captures est dépendante de la température, en fonction de la situation agrométéorologique, voire de l'orientation de la parcelle", précise-t-il.
Attention, lors des relevés, après avoir comptabilisé les guêpes, il faut les éliminer du tube afin de ne pas les recompter lors du relevé suivant.
Devant ce constat, les centres d'expérimentation ont bien entendu lancé des essais, afin de trouver des alternatives permettant d'accompagner durablement les producteurs. Les stratégies insecticides ou insectifuges sont à ce jour les plus prometteuses. Les variétés moins sensibles (à coque plus dure) ne sont pas une solution satisfaisante, tandis que le filet anti-insecte est, on l'a vu, adapté à des formes de vergers intensifs.
Au cours de la dernière décennie, le Grab a lancé divers essais. "Nous avons observé l'intérêt de l'argile blanche, ou kaolin, qui apporte une efficacité modérée", rappelle François Warlop. D'autres essais ont également été lancés sur l'efficacité d'alternatives telles que le quassia, la bouillie sulfocalcique, ou encore le dihydroxyde de calcium, avec des taux de fruits attaqués entre 8 % et 10 % en moyenne (2 % pour le spinosad). "Nous continuons à travailler sur la piste du quassia et de différents autres minéraux. Mais s'agissant de produits naturels, l'efficacité est délicate, tout comme le positionnement des interventions", reconnaît François Warlop.
Face à cela, les arboriculteurs man-quent donc de perspectives, qui pourraient toutefois leur être apportées grâce à deux projets récemment lancés. Le premier, Elzeard, est porté par la Chambre d'agriculture des Bouches-du-Rhône et la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles. Il vise à mettre au point des stratégies de protection du verger pour rendre possible la production d'amandes bio en France et ainsi contribuer au plan de relance de la filière amande.
Le second a été lancé en 2020, pour une durée de trois ans. Les 13 partenaires du Casdar 'LeveAB' (2021-2024) - pour 'Lever les verrous de la culture de l'amandier en AB' - travaillent en réseau de parcelles de producteurs, pour mettre en place des essais avec des produits naturels. Les producteurs membres du réseau choisissent eux-mêmes les produits qu'ils souhaitent tester, encadrés par les techniciens, et réalisent les applications. Les partenaires évaluent l'efficacité par un comptage à la récolte. Ce travail en réseau permet (sauf gelée catastrophique) d'obtenir un retour important de 15 à 20 vergers/an, dans des conditions de culture et de pression variables. Des essais plus robustes sont également menés en station, en conditions BPE. "Nous travaillons surtout sur Eurytoma, mais aussi sur fusicoccum et la rouille", détaille François Warlop. Le projet comporte plusieurs volets. Le premier vise la recherche de kairomones, en vue d'une application en piégeage massif d'Eurytoma. Ce travail est fait en collaboration avec l'Inrae. "On sait que l'amande sécrète plus de 50 composés volatils. Nous cherchons à savoir si certains d'entre eux peuvent avoir un effet attractif ou répulsif", détaille le spécialiste du Grab. Outre l'identification des kairomones en capacité d'attirer les femelles (en laboratoire), des tests de mélanges de ces composés volatils sont également évalués, en vue d'un piégeage massif ou autre moyen de lutte.
Le deuxième volet est le lancement d'expérimentations directement chez des producteurs, de produits naturels et autres solutions accessibles en AB (essais comparatifs et optimisation des stratégies et conditions d'application). Toujours dans ce cadre, des essais spécifiques 'piégeage massif', réalisés en partenariat avec le lycée agricole d'Aix-Valabre, sont également lancés, en vue d'optimiser la conception de cages à émergences d'Eurytoma.
Le 3e volet s'intéresse plus spécifiquement à la recherche de plantes de services adaptées aux amandiers, notamment les plantes répulsives. Enfin, le dernier volet de ce Casdar porte sur l'identification des facteurs environnementaux et des pratiques culturales pouvant avoir une influence majeure sur la présence, l'importance et la dynamique des dégâts, grâce au suivi d'un réseau de parcelles.
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