premiers Échos de campagne
Après des volumes réduits à peau de chagrin l'an passé en raison du gel d'avril, on espérait une campagne plus simple cette année. Mais la sécheresse et la canicule ont bousculé tous les calendriers, et la rencontre entre la cerise et le consommateur n'a pas été simple.
Au 1er juillet, d'après le ministère de l'Agriculture, la production française de cerises atteindrait 39 000 tonnes, soit 2,5 fois plus que celle de l'an dernier historiquement basse en raison du gel d'avril 2021.
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Singulière, pour le moins. "Même si nous n'avons pas encore tous les éléments, en ce 5 juillet, on peut d'ores et déjà qualifier la campagne cerise d'exceptionnelle, notamment en termes de consommation", explique Alexandra Lacoste, directrice de l'AOPn 'Cerises de France'. Elle était la première à intervenir à l'occasion de la journée technique cerise, organisée au domaine expérimental la Tapy, le 5 juil- let dernier. Certes, la nouvelle ne surprend personne, en tout cas pas les nombreux producteurs et techniciens venus braver la chaleur en cette après-midi caniculaire de juillet. Mais tous espéraient enfin une saison de bonne tenue, après le gel catastrophique de l'an passé.
Car le pré-bilan de la campagne cerise en cours d'achèvement est pour le moins détonnant. Cette année, la production est nettement à la hausse et dans tous les bassins de production, "mais sans être a priori aussi importante que cela", précise Alexandra Lacoste, soulignant que les tonnages restaient inférieurs à 2017. Au 1er juillet, d'après le ministère de l'Agriculture, la production française de cerises atteindrait 39 000 tonnes, soit 2,5 fois plus que celle de l'an dernier, historiquement basse en raison du gel d'avril 2021, en hausse de 24 % par rapport à la moyenne quinquennale. Somme toute, cette récolte retrouverait ainsi un niveau proche de son plein potentiel.
Côté prix, comme pour l'ensemble des fruits et légumes frais ces derniers mois, les valeurs sont en baisse : les cours de la cerise diminuent de 35 % sur un an (-9 % par rapport à la moyenne quinquennale), conséquence du fort rebond de la production et d'un calendrier de récolte bousculé, en raison des températures caniculaires enregistrées à partir de la mi-mai. Résultat : la campagne de commercialisation est plus resserrée cette année, en lien avec l'avancement de la végétation dû aux températures élevées.
En effet, la météo "hors normes" de cette année a pénalisé la mise en marché, notamment à partir du 10 mai et jusqu'au 23 mai, avec une très forte augmentation des températures par rapport à la normale. Ainsi, en vallée du Rhône et en région Paca, on a enregistré jusqu'à dix jours d'avance de la végétation, et la récolte s'est achevée en juin avec les variétés tardives. "Le calendrier de la cerise a été particulièrement bousculé, avec 2,5 fois plus de volumes à écouler au moment du Pont de l'Ascension, et 1,5 fois plus autour du lundi de Pentecôte", détaille la directrice de l'AOPn.
Jusqu'au 9 mai pourtant, les calibres récoltés se situaient dans la moyenne. À partir du 20 mai, l'uniformité a été la règle dans tous les bassins de production : "Nous avions à la fois des variétés précoces et des variétés tardives. Les maturités ont évolué tellement rapidement que tout s'est retrouvé en même temps dans les stations et les rayons, déstabilisant fortement l'organisation de la mise en marché", résume Alexandra Lacoste. Résultat : fin mai signait la fin des volumes de burlat. Du jamais vu. "Les deux ponts de mai sont tombés en même temps que la forte augmentation de l'offre, et la grande distribution n'a pas su ajuster ses achats, se demandant où seraient les consommateurs. Ils sont restés très prudents par rapport à leurs commandes, alors que l'offre était multipliée par 2,5."
Autre difficulté à gérer : les calibres proposés cette année ont également pesé dans la balance. Effet d'alternance et malgré les éclaircissages, la forte charge en fruits des arbres et les températures caniculaires ont eu pour conséquence une augmentation des plus petits calibres. Sans compter qu'avec Drosophila suzukii, plus question d'attendre à partir des premiers signes de présence, sous peine de tout perdre et de faire exploser les populations du ravageur. "Au sein de l'AOP, nous avons enregistré 36 % de calibre 24 mm, contre 25 % en 2020, dernière année représentative." La répartition des calibres a, en effet elle aussi, été chamboulée par le climat, certaines enseignes de la grande distribution opérant toutefois un glissement de barquette orienté en 24 mm au lieu de 26 mm.
"Il est difficile de faire réagir rapidement la distribution quand elle a de son côté organisé ses opérations six mois à l'avance. Cette année montre bien que nous devons tous gagner en réactivité et en agilité, car la cerise est l'un des rares produits à avoir 54 % de son commerce concentré sur un seul mois (juin, ndlr). Ainsi, quand on cumule à la fois des soucis météo, commerciaux et de pouvoir d'achat, on subit triplement la situation. Sans oublier désormais qu'avec suzukii, les cerisiculteurs n'ont plus la maîtrise de leur calendrier de récolte. C'est paradoxal quand on regarde 2021, avec des volumes au plus bas et des sommes dépensées qui se sont maintenues, malgré un prix de vente pourtant en hausse. La bonne nouvelle, c'est que le consommateur continue à plébisciter la cerise."
Et l'autre espoir est que les réunions organisées l'hiver dernier ont montré que les producteurs croyaient encore dans le produit. "Les retours que l'on a des producteurs ayant travaillé cette campagne sous filets sont positifs." C'est sans doute par-là que passera le salut de la production française. En attendant, l'année a une nouvelle fois été difficile, pour ne pas dire plus.
recherche
Afin de se prémunir de l'obligation de respecter les zones de non-traitement à proximité de zones sensibles, les agriculteurs peuvent utiliser différents leviers, même si tous ne sont pas forcément simples à mettre en œuvre. Depuis deux ans toutefois, la micro-injection est testée en France. Le principe ? Utiliser des seringues adaptées pour 'piquer' les arbres et utiliser les flux de sève pour envoyer directement les 'médicaments' dans le végétal.
Le projet 'Preamisse' - qui teste cette nouvelle méthode exploratoire de micro-injection - est en cours depuis 2015. Plusieurs espèces d'espaces verts et arboricoles ont servi de support d'étude, et notamment la cerise, depuis 2020, avec comme ravageur cible, Drosophila suzukii.
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Reconquérir des zones de production en cette période de souveraineté alimentaire, annuler les phénomènes de dérive, réduire les intrants, s'affranchir des conditions météorologiques... L'idée est tentante et pourrait bien devenir réalité grâce à la micro-injection, un nouvel outil en phase de test exploratoire, qui pourrait être proposé dans les prochaines années aux applicateurs de produits phytosanitaires.
"Le changement majeur de concept est que l'arbre, support de traitement, devient désormais le moteur du traitement appliqué", explique Adeline Renier. Cette experte du Centre d'expertise en techniques environnementales et végétales (Cetev) présentait le concept de cette technique innovante en mars dernier, à l'occasion de la journée nationale 'Drosophile', organisée au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, centre de Balandran.
Le principe n'est ni plus ni moins - enfin en un peu plus compliqué quand même - que la piqûre chez l'humain : l'idée est d'utiliser les vaisseaux de sève ascendante du végétal en injectant dans ce dernier une quantité de produit minime, soit guère plus d'un millilitre de produit par point d'injection. "La réussite de cette technique, c'est de combiner plusieurs paramètres : la plante, la matière active, l'instrumentation et la formulation car, aujourd'hui, rien n'est formulé pour la micro-injection : les essais partent du principe d'une pulvérisation aérienne le plus souvent", explique-t-elle, pointant très vite les freins de cette piste exploratoire qui n'en est qu'à ses débuts. "Derrière chacun de ces paramètres, nous trouvons plein d'inconnues à résoudre, avec notamment des faux négatifs qu'il faut analyser."
C'est pour cela que la recherche fondamentale a scindé le projet en deux volets : un volet technique (mise en œuvre) et un volet agronomique (efficacité sur le végétal).
Ce projet 'Preamisse' est en cours depuis 2015. Plusieurs espèces d'espaces verts et arboricoles ont servi de support d'étude, et notamment la cerise, depuis 2020, avec comme ravageur cible, Drosophila suzukii. En 2020, des premiers essais de faisabilité vis-à-vis des paramètres techniques ont été lancés. En 2021, un premier essai grandeur nature a été installé sur cerisier et s'est poursuivi cette année. "Nous faisons différentes observations, à commencer par le contrôle de sécurité des arbres - comprenez cicatrise-t-il bien ? - et des consommateurs, vis-à-vis des résidus phytosanitaires", détaille Adeline Renier.
Toute la difficulté est d'injecter le produit dans le xylème actif. Pour y parvenir, le Cetev a réalisé des tests avec des colorants, puis une coupe 24 heures après, au niveau du point d'injection, "pour déterminer la longueur de l'aiguille qui doit atteindre les vaisseaux de xylème". Évidemment, la taille de cette aiguille va varie en fonction de l'âge des vergers et de l'espèce de l'arbre.
"La bonne nouvelle, c'est que nous avons observé qu'un an après l'injection, la cerne s'était reformée sans souci et présentait des vaisseaux bien actifs. On observe également un isolement naturel de l'arbre au niveau du point d'injection : l'arbre crée une barrière étanche qui empêche les pathogènes extérieurs de venir le contaminer."
Enfin, les caractéristiques de l'aiguille et les modalités d'injection ont pu être définies : une longueur de 3,50 cm d'aiguille et quatre points d'injection suffisent et permettent un traitement idoine. "Nous avons pu estimer le temps de migration de la matière active, ce qui nous a permis de vérifier le potentiel de cicatrisation du cerisier : nous n'avons pas observé de phytotoxicité ou de production de gomme. Tout cela nous fait dire que le cerisier est un bon modèle candidat à la micro-injection."
Concernant le volet agronomique, les essais ont démarré en 2021, avec quatre répétitions, quatre points d'injection, et six modalités basées sur la dose homologuée pour traitement de parties aériennes. Les matières actives testées étaient : le phosmet, la cyantraniliprole, le spinosad, le spiretetramat, la lambda-cyhalothine et l'abamectine. "La première injection est réalisée lors de la floraison (23 mars 2021), et la deuxième un mois plus tard (27 avril)", explique Nicolas Formez, ingénieur de recherche 'Santé des plantes - fruits à noyau' au CTIFL.
La pression D. suzukii était notable (40 % de fruits attaqués sur le témoin) en 2021, ce qui a permis de valider la pression du ravageur. "Nous avions surtout suzukii, un peu de rhagoletis", précise-t-il. "Nous avons noté une tendance, pas fiable statistiquement, mais une tendance, à avoir moins de dégâts (-15 % par rapport au témoin, ndlr) sur les arbres traités."
Côté analyses sur feuilles et fruits, deux dates ont été sélectionnées : à la véraison et à la récolte. "Nous avons retrouvé trois produits dans les feuilles aux deux périodes, et un seul dans les fruits", mais à une dose inférieure à 0,25 mg/kg, donc à la limite de quantification de la Limite maximale de résidus (LMR : 3 mg/kg). "Cela montre donc que nous avons bien une migration des produits et que cela se tient, dans tous les cas, sans risque pour le consommateur."
L'essai a été renouvelé cette année en vue de valider l'efficacité et afin d'avoir une seconde batterie de résultats pour consolider l'ensemble. "Pour être plus fin dans l'analyse, nous allons récolter les données arbre par arbre, et pas arbre par parcelle élémentaire. Dans tous les cas, ce mode d'application n'est pas encore autorisé sur cerisier. Et nous savons d'ores et déjà que, pour alimenter le fruit et donc atteindre les larves, il faudra que la matière active ait une double systémie ascendante et descendante", conclut Nicolas Formez.
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