"Il s'est passé un truc." Malbec (à droite sur la photo) s'emballe, écrit de nombreux messages à son ami Marc, qui accourt : il a besoin d'aide. Tous deux sont passionnés par le vin : le premier est fin technicien et connaît son domaine sur le bout des doigts, alors que le second a la poésie chevillée au corps. Si Malbec a besoin de son ami, c'est qu'Anthocyane Viognier, une œnologue pour laquelle il a toujours eu le béguin, vient dîner... chez lui !

S'entame alors une joute verbale dans laquelle Marc entraîne Malbec, comme Rocky s'entraîne pour battre Apollo Creed sur le ring. Pas de poings, mais des points, des virgules, des rimes et des métaphores, pour tenter de rassurer un homme qui se dit terrorisé. "Autant que lorsqu'il faut choisir une date de début des vendanges", ou lorsque l'on est "face à cet ennemi invisible" qui vient figer d'un blanc translucide les vignes, et qu'il faut aller vérifier les bourgeons prisonniers. Des situations qui résonnent pour ceux qui, dans l'assistance, sont du métier.

Cette pièce du Festival d'Avignon, c'est Anthocyane¹, jouée chaque soir (sauf le lundi) dans la cour du restaurant Flaveurs , situé avenue de la Croix Rouge. La technique et la poétique au service du vin, qui viennent titiller les oreilles et arracher quelques rires aux spectateurs, qu'ils soient issus des professionnels du vin ou simplement curieux. Un moyen de créer un lien entre chacun, de susciter les échanges avant ou après la pièce, avec le vigneron partenaire du soir, son voisin ou encore les acteurs. Une ambiance calme et détendue où le stress est tombé, au son des cigales et un verre à la main.

Donner vie à la passion du vin

C'est un spectacle qui se joue un peu dans les théâtres, mais surtout en dehors. Dans des appartements, dans les vignobles, pour les entreprises en afterwork, nombreuses sont les possibilités. Pour Franck Dirles, auteur et metteur en scène, qui interprète également Marc, l'idée prend sa naissance dans un souvenir : "Il y a 20 ans, un ami m'invite à une représentation de théâtre d'appartement. J'ai trouvé l'idée fantastique, même si c'est un pari économiquement risqué". Il n'est pas séduit par la pièce, mais adhère au concept et se dit que, lui aussi, pourrait se lancer.

L'affaire prend son temps, et il crée sa première compagnie en janvier 2020. Mais, rattrapé par le Covid, son projet doit attendre. Il peaufine donc son idée jusqu'à dévoiler son concept de théâtre et dégustation en mars 2022. Un lieu, une petite troupe, un public, un chef cuisinier et trois vins à déguster - deux avant la représentation, un après - et possibilité de continuer pour accompagner le cocktail dînatoire. Une soirée tout compris pour 79 € (55 € pour les détenteurs d'une carte off et 30 € pour les moins de 18 ans).

Trois équipes tournent. Pour la zone de la Vallée du Rhône, Benjamin Dussud interprète Malbec. "On se déplace à deux, avec juste une valise dans laquelle nous trouvons notre décor. Il n'y a pas une seule entrée ou sortie qui soit identique. Et puis, nous sommes la plupart du temps dans un vignoble, pour parler du vignoble", estime le metteur en scène.

Alors certes, pour le Festival d'Avignon, il n'était pas possible d'être dans les vignes. Mais le vigneron du soir est présenté dans le texte de la pièce, et son vin est un acteur à part entière, sans oublier qu'il présente aussi lui-même ses vins !

Un vigneron à l'honneur chaque soir

Le dimanche 9 juillet, c'est Alain Ignace - du domaine éponyme situé à Beaumes-de-Venise - qui fait déguster ses vins. Sur ce tout petit domaine d'environ quatre hectares - puisqu'il a cédé environ 90 % de ses terres à sa fille Patricia - il continue de produire pour le plaisir, pour des clients fidèles, restaurateurs notamment.

"C'est Thibault [Seignon, sommelier et codirigeant du restaurant avec la cheffe, ndlr] qui a présenté ses coups de cœur à Franck. Il a été le fil rouge de notre rencontre. Nous nous sommes appelés, ça avait l'air sérieux et intéressant, alors j'ai accepté", témoigne le vigneron. Une façon pour lui de sortir de la communication classique des vins.

Pour cette soirée, il doit choisir trois vins parmi ceux qu'il produit. Afin de donner une vision d'ensemble, il opte d'abord pour son 'Terres blondes', un vin de France blanc cultivé sur le terroir et à la manière de l'AOC Beaumes-de-Venise.

Vient ensuite 'Le péché d'Émilie', un muscat de Beaumes rouge, une robe devenue rare. "En 1956, après le gel des oliviers, tout le monde était finalement en blanc. Seuls deux vignobles ont conservé le muscat petit grain rouge, dont le mien. Aujourd'hui, je suis le plus gros producteur avec 5 000 bouteilles", raconte-t-il.

'Le jardin d'Élisa' - un vacqueyras blanc dont le succès n'est plus à démontrer auprès de ses clients - vient clore la dégustation après la pièce, juste avant de glisser vers un cocktail dînatoire élaboré par la cheffe, Florence Laperche. Disponible tout du long de la soirée pour échanger, il a choisi d'offrir les vins pour accompagner le repas lors duquel les discussions vont bon train.

Les prochaines représentations s'effectuent sur le même modèle. Début de la dégustation pour 19 heures, théâtre, dégustation et cocktail à partager. Une belle soirée en perspective qui n'attend plus qu'une chose : votre venue ! 

Vendredi 14 juillet avec le Domaine Clavel

Samedi 15 avec le Domaine de la Royère

Dimanche 16 avec le Château Mongin

Mardi 18 avec le Domaine Saint-Amant

Mercredi 19 avec le Château de la Selve

Jeudi 20 avec le Clos du Calvaire

Vendredi 21 avec le Château de la Font du Loup

Samedi 22 avec le Domaine de la Mordorée

Dimanche 23 avec Xavier Vignon

Mardi 25 avec le Domaine Galévan

Mercredi 26 avec Michel Chapoutier

Jeudi 27 avec le Domaine de Grangeneuve

Vendredi 28 avec le Chêne bleu - La Verrière

Samedi 29 avec le Château de la Gardine