France 06/03/2024
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Agricultrices

La femme est-elle l'avenir de l'agriculture ?

La MSA a lancé une étude sur les femmes en agriculture amenée à devenir un baromètre. Comme dans d'autres pans économiques, les inégalités demeurent. Mais comme les hommes, elles posent un regard critique sur la politique agricole menée en France.

Si les trois quarts des agricultrices (77 %) estiment entretenir de bonnes relations avec les hommes du milieu agricole, elles sont néanmoins 83 % à y constater des inégalités entre les femmes et les hommes. 

© Crédit photo : Getty Images - Iakov Filimonov - JackF

Un agriculteur sur trois est une agricultrice. On ne le dit sans doute pas assez, mais le visage de la filière agricole a beaucoup changé ces dernières décennies. Pour rendre plus visible la population féminine, la Mutualité sociale agricole a mené une étude visant à faire reconnaître leur travail et la place qu'elles occupent dans un métier difficile et exigeant.

"Cette étude a été pensée et menée peu de temps avant la mobilisation des agriculteurs commencée le 18 janvier 2024. Elle permet de dresser un panorama du quotidien des femmes actives du monde agricole objectif, non influencé par une période de tensions. On verra d'ailleurs dans cette étude les signes annonciateurs de la mobilisation commencée juste quelques jours après notre enquête, tant le regard que les agricultrices posent sur la politique agricole de la France est négatif", précise la MSA dans sa synthèse.

Mieux, cette dernière est amenée à devenir un baromètre, histoire de prendre le pouls de la profession agricole féminine régulièrement autour de questions telles que qui sont les femmes actives du monde agricole ? Quel est leur parcours ? Comment ressentent-elles leur place dans le monde de l'agriculture ? Quelles sont leurs motivations, envies et attentes ?

Une solide expérience

Les femmes actives du monde agricole affichent une expérience solide dans leur secteur : 62 % y travaillent depuis au moins 10 ans, dont même 38 % depuis plus de 20 ans, 36 % ont entre 35 et 49 ans et 46 % ont entre 50 et 65 ans.

46 % sont issues d'une famille agricole, 30 % d'une famille rurale non agricole, 24 % d'une famille citadine

Les employeuses de main-d'œuvre affichent la plus grande ancienneté dans le secteur : 74 % y travaillent depuis au moins 10 ans, dont la moitié (48 %) depuis plus de 20 ans.

Les agricultrices ne sont pas toutes "femmes de" ou "filles de" : seule une sur deux (52 %) a son conjoint qui travaille dans le domaine agricole. Cette proportion varie néanmoins selon le statut : si 71 % des employeuses de main-d'œuvre sont femmes d'agriculteur, ce n'est le cas que d'une cheffe d'exploitation sur deux (55 %) et d'une salariée sur trois (32 %).

Reconversion professionnelle

Elles sont également d'origines diverses : 46 % sont issues d'une famille agricole, 30 % d'une famille rurale non agricole et 24 % d'une famille citadine. À nouveau, cela varie selon le statut : les dirigeantes sont pour moitié issues d'une famille agricole (55 % pour les cheffes d'exploitation et 52 % pour les employeuses de main-d'œuvre), alors que cela n'est le cas que d'une salariée sur trois (34 %).

Autre fait marquant : 37 % ont intégré le monde agricole dans le cadre d'une reconversion professionnelle. Quand on voit que cette proportion monte à 44 % parmi les cheffes d'exploitation, cela semble traduire la volonté entrepreneuriale des femmes du monde agricole sans oublier une forme de dynamisme du secteur.

Les agricultrices travaillent très majoritairement dans la production agricole, à parts quasi égales entre production végétale, culture (41 %) et production animale, élevage (37 %), peu dans la transformation de produits agroalimentaires (8 %). Six dirigeantes agricoles sur dix travaillent aujourd'hui en agriculture conventionnelle, un quart en agriculture biologique ou en conversion bio.

Un choix de cœur, mais...

L'agriculture est très clairement pour elles un choix de cœur... En effet, quasiment toutes la décrivent comme un métier "passion" (93 %) qui leur semble de toute évidence essentiel (96 %) et dans lequel elles s'épanouissent (84 %, 92 % même pour les plus jeunes de moins de 35 ans). Elles sont avant tout mues par leur amour du métier (47 %) et de la nature (51 %). Ces deux raisons sont encore plus souvent mentionnées par les cheffes d'exploitation (respectivement 65 % et 57 %). Les employeuses de main-d'œuvre ajoutent également une troisième grande raison, très pragmatique cette fois-ci, pour laquelle elles font ce métier : aider son conjoint agriculteur.

Un choix conscient donc, même si le métier peut s'avérer ingrat : car la très grande majorité jugent le métier d'agricultrice à la fois particulièrement difficile (95 %), très peu reconnu (87 % estiment qu'il n'est pas reconnu) et très peu rémunérateur (82 % déclarent qu'il n'est pas rémunérateur). Il n'est guère étonnant dans ces conditions que, malgré leur amour du métier, elles lui attribuent un potentiel d'attractivité limité : 61 % estiment que l'agriculture n'est pas un métier attractif. Des constats partagés par toutes les agricultrices, dirigeantes ou salariées.

Des inégalités homme-femme qui restent prégnantes

Si les trois quarts des agricultrices (77 %) estiment entretenir de bon-nes relations avec les hommes du milieu agricole, elles sont néanmoins 83 % - tous statuts confondus - à y constater des inégalités entre les femmes et les hommes.

37 % ont intégré le monde agricole après une reconversion

Un tiers des agricultrices (31 %) considère même qu'elles y sont plus fortes que dans les autres secteurs d'activité. D'ailleurs, leur sentiment de légitimité est fragile : si une courte majorité (61 %) des agricultrices se sent aussi légitime que les hommes, près d'une sur deux se considèrent moins soutenue (41 %), moins reconnue pour la qualité de son travail (42 %), moins acceptée (48 %) et moins respectée (48 %) que les hommes. Dans ces conditions, deux tiers (66 %) des agricultrices considèrent qu'il est encore plus difficile pour une femme qu'un homme de travailler dans le monde agricole.

Corollaire découlant de cette situation : 66 % des agricultrices jugent leur rémunération insuffisante, et cette proportion monte même à 73 % parmi les cheffes d'exploitation. De fait, pour les agricultrices, le premier levier pour améliorer leurs conditions de travail serait une meilleure rémunération. Un besoin largement partagé par l'ensemble du monde agricole comme l'a montré la récente mobilisation des agriculteurs. Parallèlement, concilier vie privée et vie professionnelle reste compliqué pour les agricultrices : 41 % ne sont pas satisfaites de leur équilibre vie professionnelle-vie personnelle, cette proportion montant jusqu'à 52 % parmi les cheffes d'exploitation.

Source : MSA étude 2024, 'Les femmes dans le monde agricole' •
France 06/03/2024
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Femmes Vignes Rhône

S'armer deux fois plus pour être prises au sérieux

Depuis 20 ans, l'association des Femmes Vignes Rhône s'active pour promouvoir l'entraide entre les femmes du monde du vin dans dans la Vallée du Rhône. 20 ans d'activisme pour visibiliser la place de la femme dans le métier et réaffirmer sa crédibilité au quotidien.

L'association Femme Vigne Rhône est née il y a quatre ans et poursuit aujourd'hui son bonhomme de chemin, avec des projets plein la tête, portés par la trentaine d'adhérentes.

© Crédit photo : Femmes Vignes Rhône

Mutualiser les échanges et les efforts. Offrir un support à l'entraide entre vigneronnes. Voilà les raisons d'être de l'association Femmes Vignes Rhône. Fondée en 2004 à l'initiative d'Anne Hugues, vigneronne oppédoise, l'association des FVR a depuis fait bien du chemin, mais toujours en travaillant dans la continuité des différentes mandatures.

Après Anne Hugues et Françoise Roumieux, c'est dorénavant Coralie Goumarre, vigneronne au Domaine Galévan, qui occupe la présidence. Trois femmes qui se sont succédé bénévolement pour soutenir les actions menées depuis 20 ans.

"Au départ, le gros objectif était de mutualiser pour participer aux grands salons, et être visibles sur le plan commercial. Ça a permis à certaines de s'investir sur ces événements, alors que seules, elles auraient difficilement pu assumer les frais", explique l'actuelle présidente. Une participation commune qui a permis d'ouvrir des marchés qui auraient été inaccessibles sans passer par les salons renommés. Le deuxième enjeu se trouvait dans la recherche de partenaires pour avancer et gagner en visibilité. Ces derniers sont aujourd'hui 14 et permettent aux Femmes Vignes Rhône d'avancer et d'offrir un rayonnement aux vins de la Vallée dans leur ensemble.

Ramener la technique au cœur des échanges

Actuellement les esprits phosphorent notamment autour de l'organisation d'échanges techniques, avec l'invitation d'intervenants spécialisés. "La profession a bien avancé. S'il y a encore des réflexes qui tiennent à des perceptions héritées d'une non-reconnaissance passée du travail des femmes sur les exploitations, le regard a changé, ne serait-ce que ces dix dernières années", affirme Coralie Goumarre.

Mais pas suffisamment pour relâcher les efforts. Les femmes existent, leur travail est mieux reconnu, "mais au niveau de la parole, il faut parfois parler plus fort pour se faire entendre". Sans être dans un esprit de confrontation, mais plutôt pour montrer que les vigneronnes ont un poids. "C'est aussi pour cette raison que nous voulons aller vers la réponse technique. Parce que parfois, pour être prises au sérieux, nous devons nous armer deux fois plus", ajoute la présidente.

Elle aime voir l'association comme un bateau dans lequel tout le monde rame. Pour qu'il avance, il faut des rameurs, sans trop l'alourdir pour faciliter les manœuvres, et tout le monde doit ramer dans le même sens. "Nous avons une bonne équipe, qui fonctionne bien et c'est l'essentiel", souligne-t-elle, bien que consciente de la nécessité progressive de renouveler les troupes. Tout est fait pour faciliter l'implication de toutes, sans pour autant user le binôme de tête. Ainsi Coralie Goumarre et sa vice-présidente laisseront-elles leurs places à une nouvelle équipe dès l'année prochaine.

S'intégrer dans le tissu local

Des projets, la trentaine d'adhérentes en a plein les tiroirs. Mais en parallèle de leur activité viticole propre, il est parfois difficile de libérer du temps pour avancer sur tous les fronts. "Quand on se met sur un projet, c'est qu'on est certaines de pouvoir le porter jusqu'au bout", assure Coralie Goumarre. Alors pour ce début d'année, elles s'interrogent sur la meilleure manière de s'intégrer dans le tissu local.

"Il y a déjà eu des choses mises en place, par exemple avec le club Soroptimist où nous offrons les vins sur les apéritifs lors des événements de la section locale. Notre objectif est de travailler sur les thématiques dans lesquelles s'impliquer et participer à notre niveau", développe la présidente.

De nombreuses réflexions sont donc à l'œuvre, mais les causes à défendre sont également nombreuses. En guise d'exemple, elle reprend la difficulté à allaiter lors du salon Wine Paris pour une des adhérentes, alors même qu'elle se trouvait dans la réserve du stand : "On est sur un salon professionnel, personne ne vient faire boire son enfant au goulot, il y a vraiment des sujets sur lesquels il faut avancer". Une question de bon sens pour permettre aux vigneronnes d'exercer leur métier dans leur entièreté, et à tout moment de la vie. 

Manon Lallemand •
France 06/03/2024
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Conseillère de Ceta

"Une diversité enrichissante"

Dans un territoire agricole très diversifié, la conseillère du Ceta d'Aubagne, Gentiane Maillet, s'implique pour le maintien d'une activité maraîchère locale dynamique. Un rôle que la jeune femme assure, en étant attentive aux besoins de la profession.

Gentiane Maillet, conseillère au Ceta du Pays d'Aubagne

© Crédit photo : Ceta Aubagne

Dans les Bouches-du-Rhône, les Ceta maraîchers participent au développement des cultures légumières et accompagnent les producteurs dans leurs évolutions techniques. Pour jouer ce rôle majeur sur le terrain, le réseau s'appuie sur neuf conseillers, qui se déploient dans tous les territoires du département.

Depuis le début de l'année, six d'entre eux sont des femmes. Avec leurs homologues masculins, elles contribuent au suivi régulier des exploitations et à la vulgarisation de nouvelles techniques, pour constituer un solide réseau d'échanges et de diffusion des informations nécessaires à la production. Gentiane Maillet est l'une d'entre elles.

La jeune conseillère a intégré le Ceta du Pays d'Aubagne il y a tout juste deux mois. Elle y anime avec François Veyrier, l'autre technicien du Ceta, un Groupe 30 000 pour le maraîchage, se consacre à la certification Haute valeur environnementale de groupes et à différentes autres missions.

Dans le secteur qu'elle couvre, entre Marseille et Aubagne, les systèmes d'exploitation agricoles sont multiples. Il s'agit essentiellement de petites structures, avec un éventail de productions très large - maraîchage, arboriculture, viticulture, élevage de volailles - mais la plupart ont une activité orientée sur le maraîchage. "Une variété de produits complexe à travailler en matière d'accompagnement et de conseil", mais qui plaît à la jeune technicienne.

"Un équilibre et un contexte idéal"

Pour elle, se retrouver à plusieurs femmes conseillères dans la fédération des Ceta maraîchers du département est très positif, même si elle a encore beaucoup à apprendre de ses collègues. "Au-delà des compétences pour lesquelles il n'y a pas de différences, cette mixité homme-femme offre une diversité enrichissante en matière de points de vue et de ressentis", observe la jeune femme de 31 ans. "Un équilibre et un contexte idéal" pour évoluer dans un secteur d'activité que Gentiane Maillet a choisi, après avoir passé son diplôme d'ingénieur agronome à l'École de Nancy (Ensaia) et travaillé quelques années dans la recherche à Inrae.

Dans le Ceta d'Aubagne, les exploitants agricoles masculins sont majoritaires. Mais il y a aussi souvent des femmes qui travaillent sur les exploitations. La conseillère est désormais confrontée à l'inquiétude d'une profession qui fait face à d'importantes contraintes, en lien avec l'inflation, les marchés ou encore à la main-d'œuvre. Dans le métier de conseiller, outre l'appui technique et l'accompagnement personnalisé, "l'écoute, l'empathie et la patience sont des qualités essentielles afin d'orienter les conseils". Que l'on soit homme ou femme.

Une question de sensibilité avant tout

"Mais être une femme peut, j'imagine dans certaines circonstances ou certaines difficultés rencontrées, conduire une agricultrice à se confier plus facilement. Mais c'est une question de sensibilité et de personnalité avant tout", reconnaît Gentiane. "Positiver et savoir encourager les agriculteurs est aussi important." Pour Gentiane, le métier de conseillère de Ceta s'appuie effectivement sur une relation de confiance qui se tisse dans le temps, à l'image de l'apprentissage des connaissances techniques ou des habitudes de terrain. Mais convaincre les producteurs du bien-fondé d'un conseil apporté quand la situation est délicate peut-être aussi quelquefois difficile. La conseillère en est consciente et continue de prendre ses marques et de s'investir sur les exploitations. Comme elle l'observe, les mentalités ont bel et bien évolué dans le milieu agricole. "Il y a une dizaine d'années, j'ai effectué un stage sur une exploitation en tant qu'ouvrière. J'ai pu constater à certaines occasions une certaine différence homme-femme que je ne ressens pas aujourd'hui en tant qu'ingénieur de recherche ou conseillère", rapporte Gentiane Maillet. 

Emmanuel Delarue •
France 06/03/2024
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Témoignage

Les Collines de Besplas : un parfum de Provence

Marie-Ludovie de Marcillac apporte sa sensibilité et sa touche féminine aux Collines de Besplas de Villasavary (Aude), l'exploitation céréalière de son grand père, tournée aujourd'hui en partie vers la culture de la lavande. Odeurs et bourdonnements assurés. 

"En tant que femme, je suis depuis toujours naturellement attirée par le paysage, par la terre, les odeurs et la biodiversité en général", explique Marie-Ludovie de Marcillac, qui a repris l'exploitation familiale.

© Crédit photo : Noelle Ballestrero

Avant d'être une histoire de femme, c'est une histoire de famille. Les Collines de Besplas est une exploitation qui tire son héritage d'une longue lignée d'agriculteurs. "Mon père en a hérité de mon grand-père, et moi je perpétue aujourd'hui cette histoire en écrivant mes propres lignes." C'est ainsi que Marie-Ludovie de Marcillac perçoit cette aventure qui la lie avec ses aïeux. Ingénieure de formation et enseignante-chercheur à l'école d'ingénieur de Purpan de Toulouse, c'est à l'âge de 34 ans qu'un choix de vie s'impose. "C'est à ce moment-là que mon père est venu me trouver pour savoir si j'étais intéressée par la reprise de l'exploitation." Avec une structure basée sur le modèle historique céréalier des exploitations agricoles du Lauragais audois, Marie-Ludovie sent que pour être pleinement en accord avec ses désirs, elle doit construire quelque chose de nouveau, inspirant et porteur de sens. Durant quelques années, elle fait sienne de l'histoire des terres et des bâtiments car, comme elle le souligne si bien, "pour savoir où l'on veut aller, il faut toujours savoir d'où l'on vient". Durant deux ans, elle a su profiter des savoirs de son père, qui a toujours fait preuve d'une oreille attentive. "Il y a une forme de complicité avec mon père et à la fois un certain contraste, car je suis une femme, et le dialogue n'est pas le même qu'avec un homme." Voulant construire un autre avenir pour la ferme, les discussions vont bon train, mais le dialogue triomphe. "On a vraiment su se dire les choses et c'est vraiment ce que je retiens de ma relation avec mon père." 

Concilier vie professionnelle et vie de famille

Se retrouvant face à un choix entre l'enseignement et l'agriculture, elle décide d'abandonner le milieu parfois trop conceptuel des bancs de l'école au profit d'un ancrage de terrain. "J'ai choisi l'agriculture, car je désirais vraiment pouvoir concilier ma vie professionnelle et ma vie familiale. Il ne faut pas oublier qu'en tant que femmes nous sommes aussi des mères de famille". Mère de cinq enfants en pleine transition, Marie-Ludovie reconnaît que, dans une situation où tout se mêle, l'aide d'une épaule bienveillante est cruciale. "J'ai beaucoup de chance d'avoir un mari qui m'aide et qui a su m'accompagner dans des moments parfois délicats." C'est ainsi qu'elle entame donc une réflexion globale sur l'existence de son exploitation. 

Les multiplicités des terroirs et la présence d'une zone Natura 2000 la conduisent à développer sa sensibilité vis-à-vis de la biodiversité en général, et l'amènent à passer en agriculture biologique, à implanter des haies et à introduire des ruches au sein de ses parcelles. Elle maintient une partie en céréales (70 hectares), une autre en luzerne (50 ha), et introduit de la lavande et du lavandin (20 ha) pour produire des huiles essentielles (500 kg/an) et une gamme variée de produits cosmétiques. "Cette question de liberté d'entreprendre est vraiment très importante en agriculture." Cette liberté l'accompagnera tout au long de son cheminement et ce jusqu'aujourd'hui, où le couple décide de ne pas vivre au sein de l'exploitation agricole. "C'est un détail très important, car chaque espace est réservé à une tâche précise : la ferme pour le travail de la terre, et mon domicile pour l'administratif, ainsi que ma famille".

Depuis deux ans, Marie-Ludovie a développé l'agritourisme au sein de son exploitation, avec des activités et des expériences insolites autour de la lavande. "Sans vouloir faire de clivage, nous sommes souvent davantage dans la relation avec les autres, et je sais que c'est quelque chose qui me guide encore aujourd'hui, car je suis très heureuse de pouvoir recréer du lien localement avec ce qui nous unit tous : notre territoire." 

Anthony Loehr •
France 06/03/2024
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Msa Languedoc

Du numéro vert aux rencontres 100 % féminines

Il y a deux ans, le 8 mars 2022, la Mutualité sociale agricole a mis en place dans l'Hérault une ligne téléphonique réservée aux femmes. De ces appels, sont nées des rencontres, et devant ce succès, ce numéro vert devrait être étendu au Gard et à la Lozère.

Une première rencontre a eu lieu en octobre 2023, avec des femmes qui ont appelé la ligne téléphonique, mais aussi des femmes qui ont fait part du souhait d'être en contact avec d'autres lors de rencontres avec la MSA. 

© Crédit photo : Getty Images - Jacob Wackerhausen

Le 8 mars 2022, la MSA du Languedoc a mis en place dans l'Hérault un numéro vert (0800 104 042) destiné aux femmes. Rencontre avec Estelle Rouvière, ancienne assistante sociale, désormais chargée de développement social territorial au sein de la MSA, qui est à l'origine de cette ligne téléphonique expérimentale. Deux ans après sa création, l'outil tend à se pérenniser et à s'étendre à l'ensemble du Languedoc.

Quel était l'objectif de la création de ce dispositif ? 

Estelle Rouvière : "Dans un premier temps, l'idée était de créer un lieu ressource, un lieu d'écoute, dont les femmes pourraient se saisir pour être soutenues dans leurs problématiques, pour avoir des possibilités de réponse, ou d'orientation. L'objectif était également de leur permettre de rompre avec l'isolement qu'elles peuvent rencontrer. Nous étions dans la période Covid, avec des restrictions sanitaires, donc nous voulions que l'outil soit accessible à toutes les personnes, c'est la raison pour laquelle nous avons décidé de partir sur une ligne téléphonique.

Dans un second temps, nous les questionnons sur leur place en tant que femmes dans le monde agricole et le monde rural, nous leur proposons de nous parler de leur parcours de vie. Cela nous permet de mieux connaître les femmes et leurs attentes. Elles ne sont pas obligées de répondre et cela peut se faire de façon totalement anonyme."

Quand les femmes peuvent-elles contacter ce numéro vert et combien ont-elles été à le faire ? 

E.R. : "Il y a deux permanences, une le lundi matin et une le jeudi après-midi. Nous sommes deux à répondre à ce numéro. J'ai été rejoint par Karine Archimbaud, assistance sociale à la MSA. Depuis la création de la ligne, nous avons reçu trente-deux appels, de dix-neuf femmes. Il y a donc des femmes qui nous appellent plusieurs fois. Le sens de cette ligne est de rompre l'isolement, donc elles ont la possibilité de rappeler quand elles le souhaitent. Les appels durent généralement entre quarante-cinq minutes et une heure."

Quel est le profil des personnes qui vous contactent ? 

E.R. : "La ligne est ouverte à toutes les ressortissantes agricoles. Nous avons des profils très variés. Il y a des aides à domicile ressortissantes agricoles, des salariées agricoles, des cheffes d'exploitation, mais aussi des femmes qui vivent sur l'exploitation agricole de leur époux, qui travaillent sur l'exploitation, mais qui ont un emploi à côté, et qui n'ont donc pas le statut agricole. Il y a aussi des retraitées qui nous contactent. Petit à petit après l'ouverture de cette ligne, nous avons lancé une communication auprès des femmes héraultaises âgées de 16 à 99 ans. Elles ont toutes reçu un mail. Mais nous n'avons pas trop touché le public étudiant ou en lycée agricole. L'appel téléphonique ne correspond peut-être pas vraiment à cette génération. Il nous faudrait réfléchir à de nouvelles propositions pour les plus jeunes."

Qu'est-ce qui pousse ces travailleuses agricoles à se saisir de ce numéro vert ? Est-ce qu'elles vous font part des inégalités auxquelles elles sont confrontées en tant que femmes dans un milieu majoritairement masculin ?

E.R. : "La première porte d'entrée, c'est toujours un problème avec la MSA. Je leur demande pourquoi elles appellent ce numéro, et elles me répondent : "mais ce numéro de téléphone il est pour moi, c'est pour les femmes". Ensuite, elles parlent beaucoup de leur activité professionnelle, mais aussi de la vie en ruralité, de leur vie de couple. Il y a des témoignages relativement forts sur les inégalités. Une salariée agricole nous a confié : "Ce n'est pas un travail valorisant parce qu'on a pas le droit de toucher au tracteur", ou alors,"les salariées agricoles sont souvent de la chair à pâté, notamment dans les grands domaines". Une exploitante nous a également raconté que lorsqu'elle avait proposé son projet professionnel, qui était innovant, personne ne l'avait prise au sérieux et qu'on lui avait dit qu'elle était trop vieille. Certaines femmes nous ont aussi confié qu'elles ont "une charge mentale énorme en plus de leur travail physique", que "le monde agricole  ne prend pas en compte la parole féminine. Nous avons besoin de considération dans notre parole et d'une place à un niveau égal à celui des hommes."

Petit à petit, certaines ont formulé le désir de rencontrer d'autres femmes pour échanger sur leur travail, parler de leurs situations et des difficultés rencontrées...

E.R. : "Oui, il y a une dynamique qui s'est créée. Dans la grille d'entretien, nous leur demandons toujours si elles sont intéressées pour aller plus loin dans cette idée de rompre l'isolement et si elles sont intéressées pour se rencontrer. Une première rencontre a eu lieu en octobre 2023, avec des femmes qui ont appelé la ligne téléphonique, mais aussi des femmes qui ont fait part du souhait d'être en contact avec d'autres lors de rencontres avec la MSA. Le but n'était pas de créer un collectif, cela n'aurait pas été un problème si elles avaient décidé de ne pas se revoir. Nous faisons vraiment en fonction de ce qu'elles souhaitent. Il se trouve qu'elles ont tout de suite eu la volonté de se revoir, et que cela se fasse sur leurs exploitations, afin de faire connaître leur métier, d'accueillir sur leur lieu de travail et de pouvoir partager leurs expériences. Un prochain rendez-vous est donc fixé au mois d'avril pour ce groupe que nous avons nommé"Du fil au café". Huit femmes étaient présentes lors de la première réunion. Il y en a six autres qui sont également rattachées à ce groupe, mais qui n'ont pas pu être présentes. Il a donc été décidé de communiquer par mail afin de faire un compte-rendu de ce qu'il s'était dit. Cela permet aussi de donner envie de passer le pas à celles qui n'ont pas pu venir, car ce n'est pas toujours évident. Nous nous adaptons également à leurs horaires, afin de proposer des temps en journée mais aussi en soirée."

Deux ans après sa création, ce numéro vert expérimental va-t-il devenir pérenne, et se développer pour couvrir l'ensemble du territoire de la MSA Languedoc ?

E.R."Oui, nous allons relancer une campagne de communication pour l'Hérault et nous travaillons actuellement à son déploiement dans le Gard et la Lozère. Il y a déjà des femmes du Gard qui se sont saisies de cette ligne téléphonique. Cela devrait ouvrir en 2024, avec plus de personnels."

Louise Gal •

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